Reproduction d'un chapitre de « Voyage botanique en Corse » par M. R. de Litardière publié dans le bulletin de l'académie internationale de géographie botanique
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(15 Août 1908) De Corte nous gagnons Vizzavona, notre dernière étape, pour faire le lendemain l'ascension du Monte d'Oro (2391m). Un guide devait venir me prendre à trois heures et demie du matin à l'hôtel de la Foce ; mais je n'avais pas prévu que le 15 août était toujours fête nationale en Corse. Mon guide ne vint pas et ce ne fut qu'à six heures que je pus partir avec un cantonnier qui connaissait parfaitement la montagne. C'était un peu tard pour faire convenablement l'ascension ! Le sentier qui s'ouvre presque en face l'hôtel, gravit une petite croupe sur laquelle on ne tarde pas à rencontrer le fort génois de Vizzavona. Là m'attendait une agréable surprise, car, sur les murailles, au milieu des Asplenium Ruta muraria L. var. Bruntelsii Heufl., Cystopteris fragilis Bernh. var. anthriscifolia Koch et Epilobium montanum L. Subspec. E. lanceolatum (Seb. et Maur.) R. et Cam., j'aperçus de belles touffes de Phegopteris Robertiana A. Br. (Poiypodium calcareum Sm.), station assez curieuse pour cette plante calciphile, non signalée en Corse, chose singulière, d'autant plus que cette localité a été visitée bien des fois et que de Marsilly lui-même, qui a récolté l'Asplenium Ruta muraria L. sur les murs du fort, ne fait pas mention du Phegopteris qui y est abondant et pousse côte à côte avec l'Asplenium. On continue, au milieu des buissons de Juniperus, à gravir les flancs de la Punta Ceppo, puis on redescend dans la forêt de hêtres. C'est là que se trouvent les bergeries de Trotetta (1465m). Sur un rocher je récolte Hieracium viscosum Arv. Touv. var. hirsutum Arv. Touv. (H. Corsicum Arv. Touv.). On franchit bientôt l'Agnone, nom donné par les bergers au cours supérieur du Vecchio, puis on s'élève dans l'étroite vallée bordée vers l’O. par les cimes dentelées du Migliarello (2258m) et vers l'E. par le Monte d'Oro. Tantôt on escalade de gros blocs granitiques, tantôt on traverse des fourrés d'aulnes. Vers 1800m je recueille dans les rochers : Aspidium Filix-mas L. var. glandulosum Milde, Poa nemoralis L. Subspec. P. Balbisii (ParI). Hackel et Solidago Virga-aurea L. Prol. S. nudiflora (Viv.) Rouy. Le long des petits suintements croissent : Aspidium montanum Asch. Scirpus cæspitosus L. Juncus alpinus L. var. genuinus Buch. forma Requienii (Parl.) Buch. Narthecium ossifragum Huds. Prol. N. Reverchoni (Celak.) Ranunculus Marschlinsii Steud. Potentilla procumbens Sibth. et Sm. var. Salisii (Bor.) Briq. Hypericum Corsicum Steud. Dans de grands rochers à 2020m, je puis récolter: Bupleurum stellatum L., Vaccinium Myrtillus L., Phyteuma serratum Viv., ainsi que deux superbes touffes de Laserpitium cynapiifolum (Viv.) Salis, que nous ne pouvons atteindre qu'en amassant des blocs les uns sur les autres, pour faire une sorte d'escalier. On se dirige maintenant vers le col situé au sommet de la vallée de l'Agnone. Dans les graviers se trouvent : Festuca pilosa Hall. f. α genuina G. G. Sagina pilifera DC. Sedum brevifolium DC. Thymus Herba Barona Lois. Odontites Corsica Don. Plantago insularis Nym. Hieracium Kralikii Rouy. Soudain le ciel s'obscurcit et le tonnerre gronde. La pluie est de courte durée, mais nous sommes enveloppés par un brouillard humide et glacial qui, hélas ! ne devait plus guère nous quitter. Avec cela le vent souffle avec une telle violence qu'il faut marcher avec beaucoup de précaution pour ne pas être renversé. Cependant quelques éclaircies me permettent de récolter dans les rochers : Cryptogramme crispa (L.) R. Br. Festuca varia Hackel Subspec. F. Sardoa Hackel Potentilla crassinervia. Vivo α genuina R. et Cam. Amelanchier vulgaris Moench. Prol. A. rhamnoides Nobis Euphrasia. Salisburgensis Funk. Valeriana montana L. Il était onze heures lorsque nous arrivâmes sur la crête qui domine le petit lac du Monte d'Oro. Nous nous arrêtons pour déjeuner à l'abri de touffes rabougries d'aulnes, et attendons le beau temps pour continuer l'ascension. A une heure, pas d'amélioration, et pour être moins exposés aux attaques du vent nous descendons un peu du côté du lac. Là, je puis encore trouver dans les rochers : Phleum alpinum L. var. commutatum (Gaud.) Cariot Agrostis rupestris AlI. Poa Cenisia AlI. Cerastium arvense L. var. alpicolum Fenzl. Alsine verna Bartl. var. crespitosa R. et F. s.-var. glandulosa R. et F. Cardamine resedifolia L. var. platyphylla R. et F. Saxifraga Pedemontana AlI. var. cervicornis (Viv.) Engl. Alchimilla saxatilis Bus. Alchimilla alpina L. Subspec. A. debilicaulis Bus. Hieracium brunellæforme Arv.-Touv. Il devenait imprudent de songer à continuer l'ascension, et nous décidâmes à regret de prendre le chemin du retour. Mais hélas ! nous fîmes fausse route ; le brouillard était devenu si intense que parfois nous n'y voyions pas à deux pas. Nous marchions droit devant nous sans pouvoir nous rendre compte de la direction que nous prenions. car j'avais oublié ma boussole. Heureusement que le soleil parut un instant, et nous permit de constater que nous avions obliqué beaucoup trop à l'O., et grâce à une pointe du Migliarello dont la forme étrange m'avait frappé à l'aller, nous nous aperçûmes, après une course folle de plus de deux heures, au milieu des rochers et des aulnes, que nous nous trouvions sur le versant N. de la crête qui relie le Monte d'Oro à la Punta Muratello. Dans tout ce trajet j'avais pu toutefois cueillir à la hâte quelques plantes intéressantes : Ranunculus aconitifolius L. Prol. R. platanifolius (L.) R. et F. Aquilegia Bernardi G. G. Saxifraga stellaris L. var. obovata Engl. Saxifraga rotundifolia L. Adenostyles viridis Cass. et Phyteuma serratum Viv. dont une superbe colonie tapissait presque entièrement une paroi rocheuse. J'avais aussi ramassé, vers 1950m dans des graviers humides, au bord d'un fourré d'aulnes, quelques pieds d'un Ranunculus dont l'aspect m'avait frappé. Cette plante, bien différente de ses congénères de la section Euranunculus G. G., me paraît devoir être distinguée spécifiquement. En voici la description : Plante de taille peu élevée (6 à 20 cent.) à rhizôme assez gros, portant des racines fasciculées plus ou moins épaisses, allongées (5 à 10 cent.), et présentant les débris filamenteux des pétioles des années précédentes. Tige biflore, parfois uniflore, hérissée de quelques poils blancs plus ou moins appliqués. Feuilles basilaires assez longuement pétiolées, presque glabres, assez petites (2-3 x 1,5-2,5 de surface), pentagonales dans leur pourtour, 3-5 partites, à lobes obovés et à sinus étroits, incisés, à dents subobtuses ; les caulinaires 1-3, sessiles, l'inférieure assez grande, à 5-3-2 lobes lancéolés linéaires aigus, entiers, divergents. Pédoncules arrondis, munis, surtout supérieurement, de poils blancs appliqués. Sépales étalés, entièrement glabres. Corolle grande (2-3 cent. de diamètre), à pétales d'un jaune d'or, obovés-cunéiformes. Réceptacle muni de quelques poils. Carpelles glabres à bec recourbé, convoluté, égalant environ le tiers de leur longueur. Faisant allusion à son habitat, je lui ai donné te nom de Ranunculus clethraphilus. Diffère du R. geraniifolius Pourr. et principalement de la var. aurimontanus Briq., dont il a un peu l'aspect, par son port moins grêle, par ses feuilles radicales à lobes séparés par un sinus étroit, et surtout par ses sépales absolument glabres, caractère qui le rapproche du R. Marschlinsii Steud., dont il possède le réceptacle presque glabre. Est peut être un hybride entre les deux espèces ? Il croissait en compagnie du R. Marschlinsii Steud., mais je n'ai pas eu le loisir de rechercher le R. geraniifolius Pourr. var. aurimontanus Briq. qui pourrait fort bien se trouver par là. M. Briquet indique cette dernière plante sur le versant O. du Monte d'Oro, à 2200m et M. Jacquet, de Châtel-sur-Montsalvens (Suisse), m'en a envoyé des exemplaires qu'il a recueillis, le 8 juillet dernier, près d'une cascade de l'Agnone au-dessus des bergeries de Trotetta, en définitif à peu de distance de l'endroit où j'ai trouvé le R. clethraphilus. Le temps paraissait remis maintenant et nous marchions bon train pour tâcher d'arriver à la Foce avant la nuit. Dans un petit couloir je récolte encore : Laserpitium cynapiifofium (Viv.) Salis et Scabiosa Columbaria L. var. permixta (Jord.) Rouy. Mais nous avions compté sans le maudit brouillard qui nous reprend vers les bergeries de Trotetta, et il faisait nuit noire quand nous arrivâmes à la Foce, exténués de fatigue et les vêtements complètement trempés ! A mon retour, mon père me montre provenant d'une herborisation qu'il avait faite dans la forêt de Vizzavona : Alnus cordata (Lois.) Desf. Arenaria Balearica DC. Ranunculus acer L. Subspec. R. Borræanus (Jord.) R. et F. Pastinaca divaricata Lois. Cyclamen Neapolitanum Ten. Gentiana asclepiadea L. Linaria hepaticrofolia (Viv.) Duby (fioribus albis) Hieracium brunellæforme Arv.-Touv. Hieracium murorum L. var. alpestre Arv.-Touv. Hieracium heterospermum Arv.-Touv. var. provinciale (Jord.) Arv.-Touv. Le 16 août nous quittions Vizzavona pour rejoindre Calvi, et à onze heures du soir nous laissions derrière nous cette île enchanteresse, emportant des souvenirs inoubliables de toutes les émotions que nous y avions éprouvées, et des si agréables instants que nous y avions passés. En terminant, je me fais un devoir d'adresser mes sincères remerciements aux savants botanistes qui ont bien voulu m'aider dans la détermination d'un certain nombre d'espèces litigieuses : Mgr. Léveillé, MM. Arvet-Touvet, Becker, Buser, Christ, Gillot, Hackel, Rouy et Simon ; je n'oublie pas non plus M. Vecchini, receveur des Postes à Calacuccia et délégué du Touring Club de France, pour son amabilité et les précieux renseignements qu'il m'a donnés; qu'ils reçoivent tous ici l'expression de mon entière reconnaissance. |
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