Après avoir enchaîné le tour des Agriates, puis un trek entre Montestremo et le col de Verghio via Ciottulu di i Mori, nous nous retrouvons seuls, Sophie et moi, pour la dernière partie de notre séjour en Corse, un peu moins sportive que les précédentes. Au programme : rejoindre le refuge de la Sega en J1 ; réaliser deux randonnées en étoile en J2 et J3, incluant la découverte du plateau d'Alzo et de la ligne de crête menant à Punta di Castelli et Cima San Gavino ; rallier Corte depuis le refuge de la Sega en J4 pour pouvoir rejoindre l'aéroport de Bastia en J5 avec u Trinighellu de 9h59. Nous limitons nos achats à la petite épicerie de Castel di Verghio au casse-croûte de midi, sachant par ailleurs que le refuge de la Sega est fort réputé pour son restaurant, et propose très certainement du ravitaillement comme les refuges du GR20. |
![]() |
Cette première étape n'est pas de tout repos : elle est en effet longue de 22km et présente un dénivelé positif de 750m environ. En revanche, une bonne partie du trajet se déroulant sur un tronçon facile du GR20, nous n'avons pas d'inquiétude particulière. Nous partons vers 8h30 pour une première heure un peu monotone : après Castel di Verghio, il faut en effet rejoindre, une cinquantaine de mètres plus bas, le sentier de ronde de Valdu Niellu, qui nous propose un trajet en forêt quasiment horizontal jusqu'au pied de Bocca San Pedru. Après un raidillon permettant de gagner une centaine de mètres, le paysage s'ouvre à ce col où un petit oratoire a été implanté. Au Nord et à l'Est, voici la vallée du Golo bordée par ses hauts sommets ; vers le sud-ouest, nous dominons la vallée de Tavulella qui permet de rejoindre le golfe de Porto ; au nord ouest , voici la crête qui mène à Capu â Rughia (1712m) et vers le sud-est, la ligne de crête est empruntée par le GR20 pour la suite de notre trajet. Peu de temps après le col, nous rencontrons ces fameux arbres couchés par le vent maintes fois photographiés par les adeptes du GR20... Le sentier continue à monter progressivement, en contournant le Tritore par le Nord, puis en rejoignant la crête de Serra San Tomaghiu, pour enfin atteindre Bocca â Reta (1883m), le point culminant de la journée. Nous avons des souvenirs récents de ce col, puisque nous y étions passés l'année précédente pour découvrir Capu a u Tozzu (2007m). Je vous conseille vivement d'y faire un petit détour si vous empruntez le GR20 : vous profiterez alors d'un tour d'horizon grandiose ! En regardant en arrière, Bocca â Reta nous offre un beau panorama sur Capu d'Orto et les reliefs au Sud du golfe de Porto. Vers l'est, Punta Artica occupe la scène, mais le lac de Nino n'est pas encore visible... |
Quelques minutes après Bocca â Reta, nous redécouvrons, pour la troisième fois, le site extraordinaire du lac de Nino, avec ses pozzines, même si aujourd'hui, une légère couverture nuageuse vient ternir quelque peu son éclat. Petit arrêt à la fontaine aménagée à proximité du lac, pour remplir nos bouteilles ; sa connaissance préalable nous a permis de limiter la quantité d'eau à emmener au départ de Castel di Verghio. Nous continuons notre trajet sur le GR20 qui longe maintenant le Tavignano en rive droite. Arrivés sur un coude, nous nous arrêtons, car j'avais noté que les bergeries de l'Inzecche devaient être visibles de l'autre côté de la rivière... Celles-ci sont tellement bien intégrées dans le paysage que nous ne les aurions pas vues sans cet arrêt ! Le sentier, perd maintenant une centaine de mètres, et la prairie est progressivement envahie par des rochers et des arbres ; vers 12h40, nous profitons d'ailleurs d'un de ces arbres pour notre pique-nique. Les nuages ont une fâcheuse tendance à s'épaissir, et nous décidons de repartir assez rapidement, dans l'espoir d'arriver au refuge de la Sega avant l'épisode orageux qui était prévu pour le milieu de l'après-midi. Il nous reste en effet une dizaine de kilomètres à parcourir, et nous devrions donc arriver à destination avant 16h. En réalité, alors que nous avons passé les bergeries de Vaccaghia vers 13h20, des premières gouttes font déjà leur apparition... Autre petit souci : nous sommes toujours sur le Gr20 et n'avons pas vu notre embranchement vers la Sega qui devait se trouver par là. Retour en arrière pour rejoindre les bergeries où un espace aménagé abrité de la pluie (ou en général du soleil) a été préparé pour permettre de se reposer et boire un verre. Nous profitons de l'occasion pour une nouvelle pause, au sec pendant cette légère averse. Le propriétaire nous explique où trouver le sentier menant à la Sega depuis sa bergerie. Pas vraiment évident : il faut quitter le GR20 à la bergerie même, au cap sud-est en direction d'un gros rocher (alors que sur la carte IGN la trace semble quitter le GR20 une centaine de mètres plus loin). Nous aurions perdu un peu de temps pour retrouver le sentier en l'absence de ces indications ! La pluie s'arrête et nous voilà repartis. Nous trouvons effectivement un sentier bien tracé et marqué d'un balisage jaune qui démarre au rocher indiqué. Bizarre tout de même, son apparition brutale à une centaine de mètres de la bergerie ! Vingt minutes plus tard, à 14h00, nous franchissons le Tavignano, par un gué qui ne nécessite pas de se déchausser. Ici un randonneur solitaire nous dépasse ; il compte également rejoindre le refuge de la Sega, en complément de son étape du GR20 entre Petra Piana et Manganu. Les premiers coups de tonnerre font leur apparition, et dans notre direction, le ciel se bouche à grande vitesse, avec un rideau de pluie de plus en plus épais qui se rapproche... A 14h15, voici les premières grosses gouttes... nous avons la chance de pouvoir nous abriter sous un énorme tronc d'arbre maintenu à deux mètres du sol par des rochers. L'orage est d'une grande violence, et le déluge tel que l'eau commence progressivement par ruisseler sous la partie abritée du tronc d'arbre. Au bout d'une demi-heure l'orage cesse, mais pas la pluie qui reste intense. Ne constatant pas d'accalmie, je propose à Sophie de repartir sous la pluie. Je finis par la convaincre, et nous repartons donc sous cette pluie... qui s'arrêtera un quart d'heure plus tard, pour laisser rapidement place au soleil jusqu'en fin de journée ! Au même moment, nous arrivons devant le "ruisseau" du Fiordimundu, en forte crue, alimenté par une impressionnante cascade d'eau boueuse en amont. Le débit de la cascade semble tel que le ruisseau paraît devoir encore gonfler... Je remonte bredouille le long du ruisseau pour essayer trouver un passage plus facile. J'apprendrai pendant le repas du soir que le randonneur qui nous avait dépassé m'a aperçu pendant cette recherche : il essayait de m'alerter pour indiquer qu'il n'y avait pas de passage possible plus haut... Mais le bruit assourdissant du torrent empêchait toute communication. Constatant que le débit ne semblait pas varier, je pars tester la traversée, en utilisant les bâtons de marche que Sophie emmène systématiquement. En fait l'eau ne monte qu'à mi mollet, et malgré le fort courant, cela passe mieux que je ne l'imaginais. Un lancer de bâtons permet à Sophie de les récupérer pour traverser à son tour. Pour autant, je ne suis pas très optimiste, car il faudra aussi traverser le ruisseau de Binadelli. Pour avoir parcouru le vallon correspondant l'année précédente, au retour de Punta Artica, j'imagine que son bassin versant est plus grand, et que ce torrent risque, lui, d'être infranchissable. J'essaie donc de repérer, au cours de notre progression, des emplacements où nous pourrions facilement planter la tente, en attendant la décrue le lendemain. Vers 16h00, nous arrivons au ruisseau de Binadelli, pour une bonne surprise : celui-ci est en crue, mais semble plus facile à traverser que le ruisseau du Fiordimundu. Nous appliquerons tout de même la procédure d'utilisation des bâtons en guise d'assurance. Depuis quelque temps, le sentier même s'il est bien tracé, demande un peu d'attention lors de traversées de zones rocheuses encore humides, d'autant plus que la fatigue commence à se faire sentir. Ainsi, après une zone quelque peu pénible, nous nous retrouvons vers 16h45 devant une pelouse de rêve pour un bivouac... Sophie veut rester ici... Je crois bien que si nous avions de quoi dîner dans notre sac à dos, je n'aurais pas réussi à la convaincre de continuer jusqu'au refuge à trois kilomètres à peine ! Nous voilà donc repartis pour le dernier obstacle potentiel, la traversée du ruisseau de Scrocchiella... Celui-ci se franchit en réalité sans difficultés, sans même devoir se déchausser. Le sentier s'améliore maintenant, en délaissant les zones rocheuses au profit d'un sol en terre meuble dans une forêt de plus en plus dense. A 17h40, nous arrivons enfin au refuge de la Sega, superbement niché au milieu de la forêt et des cascades et vasques du Tavignano... certes encore en furie et bien jaunâtre. |
L'aire de bivouac où nous plantons notre tente est également fort accueillante et bien plane, le rêve ! Nous réservons nos repas pour le dîner qui se révélera conforme à l'excellente réputation de la table de la Sega, mais nous avons la mauvaise surprise d'apprendre que le refuge ne propose pas le moindre ravitaillement.... En maintenant notre programme initial, il nous faudrait donc nous contenter du petit déjeuner (possible seulement à partir de 9h00...) et du dîner au refuge pour les deux jours à venir... Nous considérons qu'une journée avec diète à midi suffira : nous irons donc sur le plateau d'Alzo et la crête vers Cima San Gavino demain (en espérant que les orages seront plus tardifs), descendrons à Corte le matin du surlendemain, pour essayer de nous rendre dans un camping en bord de mer près de l'aéroport de Bastia... avec une journée entière de repos à la clé ! |
Après notre petit déjeuner frugal, nous voilà partis à 9h20 en direction du plateau d'Alzo. Le sentier est non seulement bien marqué, mais également balisé par des banderoles liées à une course sportive. En fait nous apprendrons par la suite que les « Restonica et Tavignano Trail » prévus le surlendemain emprunteront cet itinéraire avec des parcours de respectivement 68km et 33km. Ces courses remplacent le « Grand raid inter-lacs, Corte Centru di Corsica » qui a disparu pour des raisons que j'ignore. Le parcours jusqu'à la maison forestière d'Alzo enchaîne, sous couverture végétale, deux montées de quelques 250 mètres chacune séparées par une portion horizontale. Il faut un peu moins d'une heure trente pour parcourir ce premier tronçon. Dans une petite clairière se font face une maison en ruine et un plus petit édifice fermé. Peu de temps après nous quittons la forêt pour découvrir le plateau d'Alzo. Voici un environnement original et doux composé de belles prairies, et dans certaines directions, parsemé de gros rochers blancs aux formes originales. Les reliefs proches et lointains sont très diversifiés, et rappellent que nous ne sommes pas dans les Vosges ou le Massif Central. Trois bergeries (Alzo, Colletta et Cappellaccia) ont élu domicile sur ce plateau. |
Nous continuons en direction du col près des bergeries de Cappellaccia (1645m), et découvrons la vallée de la Restonica, avec en face de nous Monte Rotondo, encore bien enneigé en ce début juillet 2010 ; à sa gauche, la ligne de crête menant à Monte Cardo et à sa droite, le fond de la vallée de la Restonica. Derrière nous, au Nord-Ouest, Paglia Orba est maintenant bien visible. Les nuages commencent à bourgeonner un peu, mais j'estime que nous avons encore le temps de prendre les crêtes en direction de Punta di Castelli. Après une première partie ascendante banale, le trajet devient plus original en louvoyant entre des zones d'aulnes et des édifices de roches blanches ou grisâtres. |
Vers 12h30, nous arrivons à un sommet bien marqué surmonté par une éminence rocheuse facile d'accès : Il s'agit de Forciutu à 1947m d'altitude. Les nuages évoluent relativement vite sans être réellement menaçants. Comme, depuis les bergeries de Cappellaccia, nous ne sommes qu'à mi-chemin de Punta di Castelli, je préfère en rester là, considérant que nous aurons ainsi le temps de descendre au moins jusqu'aux bergeries en cas d'évolution orageuse. Par ailleurs Sophie commence à crier famine, et consomme nos dernières réserves de barres de céréales. Si le tour d'horizon est barré au Sud-Ouest par Punta di Castelli et son antécime, il est intéressant dans toutes les autres directions : en secteur Nord, on peut suivre la ligne de crête entre Punta Artica et Pinerole ; en second plan la ligne des grands sommets corse s'étire Paglia Orba et Cima a i Mori, en passant par exemple par Punta Minuta, Capu Falu, Monte Cinto... Et au Sud, le long de la Restonica, voici la ligne de crête entre Monte Cardo et Lombarduccio, en passant par Monte Rotondo, A Maniccia et Punta Muzzella... |
Nous rebroussons chemin peu après 13 heures, et regagnons rapidement le refuge de la Sega où nous arriverons deux heures plus tard. Pendant la descente, les nuages non seulement se stabilisent, mais s'aplatissent et disparaissent progressivement : il n'y aura pas d'averse aujourd'hui, et nous aurions pu continuer vers Punta di Castelli ! Enfin peut-être, car arrivés au refuge, Sophie ne peut s'empêcher d'engloutir le dernier sachet de purée lyophilisé disponible... La fin d'après-midi est consacrée à une séance de bronzage, à proximité immédiate de la grande cascade de la Sega. Et en soirée, attablés sur la terrasse du refuge, avec vue sur la cascade, un repas typique corse, excellent et pantagruélique nous attend. |
Départ comme prévu à 9 heures du matin pour un parcours de 14 km d'une durée estimée à environ 4 heures de marche. Le sentier ne devrait poser aucun problème puisqu'il s'agit de descendre le Mare a Mare Nord (qui relie Corte à Calacuccia via la Sega puis Bocca à l'Arinella). Le sentier, d'assez bonne qualité est relativement horizontal pendant la première heure, jusqu'au point P1 d'où le panorama nous incite à un arrêt photo. Voilà maintenant la vallée du Castagnolu qui permet également de rallier le plateau d'Alzo ; nous y retrouvons d'ailleurs le balisage pour les « Restonica et Tavignano Trail » prévus le lendemain. Une bonne demi-heure plus tard, nous nous retrouvons nez à nez avec un taureau qui occupe notre sentier dans une zone escarpée impossible à contourner... Il n'a pas l'air commode, et ne veut pas bouger ; il a même tendance à devenir franchement menaçant lorsque j'essaie de l'intimider ! Coup du sort, quelques instants plus tard un randonneur corse arrive en sens inverse, ce qui n'arrange pas la situation, puisque l'animal n'a plus d'échappatoire... Plus habitué que nous à gérer ce type de situation, il nous invite à nous réfugier sur un surplomb au-dessus du sentier, et à force de cris menaçants arrive à faire avancer la bête puis le faire dégager le sentier. Nous remercions le randonneur corse, et reprenons notre itinéraire. Le sentier jusqu'à présent bien en balcon en rive droite du Tavignano, descend rapidement vers la rivière pour atteindre la passerelle. Nous y arrivons un peu après 11 heures ; bien que nous soyons encore à 760 mètres d'altitude, la température est déjà fort élevée, et un rafraîchissement dans les vasques près du pont est obligatoire. Plusieurs randonneurs, ayant profité de la fraîcheur matinale pour monter depuis Corte y ont d'ailleurs déjà pris place. Nous avons déjà réalisé la fin de ce trajet, par exemple lors de la découverte de l'arche de Corte et savons qu'il sera pénible sous le soleil au zénith. Nous pourrions bien entendu attendre la soirée pour descendre à Corte, mais l'appel de la plage en bord de mer nous incite à reprendre la route après notre bain revigorant dans un Tavignano relativement frisquet. Il est midi passé de quelques minutes, lorsque nous démarrons d'un pas décidé le dernier tronçon de notre périple. Même si le sentier en balcon au dessus des gorges du Tavignano est souvent photogénique, nous nous limitons à un seul arrêt photo lorsque Corte commence à être en vue. |
Arrivés à Corte, un appel puissant pour une boisson fraîche et un casse croûte nous amène à nous renseigner pour trouver une épicerie ouverte (il est 14 heures passé)... nous finissons par apprendre qu'un commerce à proximité de la gare de Corte devrait faire l'affaire. Nous y arrivons à 14h30 pour effectivement y trouver notre bonheur... En revanche, le premier bus pour Bastia est programmé pour 17 heures, et après nous être bien rassasiés et désaltérés, nous faisons du stop devant la gare. Quelques minutes plus tard une jeune conductrice corse faisant le trajet Ajaccio Bastia, nous ayant vu un peu tardivement, fait demi tour au rond-point suivant pour revenir nous prendre, alors que le tonnerre commence à gronder sur les montagnes à l'Est de Corte... Elle nous déposera au carrefour de Casamozza près de l'aéroport de Bastia, et un peu plus tard, une deuxième conductrice corse nous déposera à proximité du camping Europa en bord de mer. Le lendemain sera effectivement une journée farniente, mais le surlendemain, nous décidons de rajouter 12km au compteur pour rejoindre à pied l'aéroport en longeant la plage le plus longtemps possible, avec un dernier petit challenge à la clé : traverser l'embouchure du Golo sans mouiller nos sacs à dos... profondeur maxi ce jour-là pour le meilleur passage : environ 1 mètre 30, par mer parfaitement calme ! |