Cardo et Rotondo


                Monte Cardo faisait partie des principaux sommets corses qui restaient à vaincre... comme un aller-retour dans la journée n'aurait pas été de tout repos, me voilà en train de concevoir un trek de quelques jours passant par ce sommet. Première idée : partir de Saint Pierre de Venaco ; après Monte Cardo, parcourir la ligne de crête jusqu'à Monte Rotondo, puis redescendre par le lac de Pozzolo et les bergeries de Riviseccu dans la vallée de la Restonica.
                Même si ce trajet aurait été entièrement nouveau pour moi, je le trouvais un peu trop « classique »... J'ai donc commencé à fouiner sur Internet, et voilà que je tombe sur ce superbe site qui propose plusieurs randonnées pour découvrir les bergeries de la région de Corte et de Venaco. Les bergeries de Furmicuccia (qui n'apparaissent même pas sur la carte IGN) présentées sur cette page m'ont sauté aux yeux !
                Je finalise alors un projet avec, en J1 la montée jusqu'aux bergeries de Furmicuccia ; en J2 une boucle via Punta Lattiniccia, Monte Cardo, et reconnaissance d'un raccourci permettant de redescendre depuis les environs de Punta da i Ciotti ; en J3 l'ascension de Monte Rotondo avec bivouac au lac de Pozzolo (via l'itinéraire reconnu la veille puis la ligne de crête) ; en J4 la descente dans la vallée de la Restonica via les bergeries de Riviseccu.
                L'examen de la carte ci-dessous montre que ce projet a été quelque-peu bouleversé suite à un petit problème que vous découvrirez en parcourant cette page... En réalité on peut considérer qu'il s'est transformé en deux treks consécutifs, l'un vers Monte Cardo avec camp de base aux bergeries de Furmicuccia et l'autre vers Monte Rotondo avec camp de base aux bergeries de Riviseccu. Comme l'itinéraire démarre dans le camping de Tuani, nous décidons de nous y donner rendez-vous la veille au soir et d'y passer la nuit. Nous en profitons pour négocier le garage de nos deux voitures dans ce camping pendant ces quelques jours, car la route de la Restonica n'est pas très adaptée pour garer des voitures...
                Les participants de ce trek sont Elisabeth, Serge, Eckard, Sophie et moi, dont vous pouvez retrouver les portraits sur les premières photos de cette page.


Réalisé d'après la carte IGN TOP25 4251 OT
Le profil du Trek

Téléchargez carot.gpx, la trace GPS de la sortie avec 1171 cairns virtuels et 12 points d'intérêt
pour son utilisation, voir la page conseils ; pour un affichage direct dans Google Earth : carot.kml
Survolez le trajet relatif à Monte Cardo ou celui relatif à Monte Rotondo avec Google Earth via Sitytrail.com et tracegps.com...



Première étape : De Tuani aux bergeries de Furmicuccia
Le dimanche 21 août 2011



                A la lecture du topo mentionné plus haut, cette première étape annoncée pour 2h30, avec seulement 750 mètres de dénivelé, ne devrait pas poser de problèmes particuliers. Compte tenu de notre chargement (comprenant 4 jours de provisions), je prévois plutôt 4 heures, ce qui devrait laisser du temps pour explorer le secteur des bergeries dans l'après-midi. Après avoir pris le petit déjeuner -avec croissants- au restaurant du camping, et garé nos voitures à l'emplacement prévu par le gérant, nous voilà donc partis à 9h30 du matin.
                Nous commençons à emprunter la piste autour de laquelle se succèdent sur plusieurs centaines de mètres les emplacements du camping ; celle-ci conduit ensuite à une prise d'eau à proximité de la confluence avec le ruisseau de Bravinu. Après avoir traversé ce ruisseau, nous trouvons facilement le départ du sentier qui doit nous mener aux bergeries de Furmicuccia.
                Malgré son caractère relativement confidentiel ce sentier est fort heureusement bien entretenu, et par quelques lacets nous gagnons deux cent mètres entre rochers et maquis jusqu'au point P01. Nous y dominons la vallée de la Restonica, avec un beau panorama sur les reliefs au Nord de la vallée. Le sentier est ensuite relativement plat et rejoint le ruisseau du Bravinu au niveau d'une vasque qui nous invite fort opportunément à un rafraîchissement, car nous avons été bien exposés au soleil matinal.
                Après cette pause baignade d'une demi-heure, nous traversons le ruisseau pour le longer en rive droite sur quelques cinq cent mètres, sur un sentier encore bien marqué. Un peu avant la confluence avec le ruisseau de Colonelli, le sentier semble repasser en rive gauche pour se perdre dans un éboulis de rochers. Quelques rares cairns semblent confirmer notre cheminement. Après avoir gagné de la hauteur au-dessus du ruisseau de Bravinu, nous avons une vue sur le vallon sauvage de Colonelli qui, s'il est praticable, permet d'atteindre plus directement Punta Lattiniccia...
                Pour l'instant, notre préoccupation est à très court terme : les quelques cairns semblent nous emmener vers la crête, alors que notre objectif est de s'enfoncer dans le vallon... Plutôt que de redescendre, nous arrivons à cheminer tant bien que mal à altitude constante, en évitant quelques barres rocheuses : comme nous sommes manifestement trop haut, nous devrions ainsi croiser le sentier quelque part en amont de notre position. Cette tactique nous permet effectivement de retrouver la trace cairnée au point marqué P02... mais le bilan n'est pas brillant : depuis que nous sommes repassés en rive gauche du Bravinu, nous avons mis deux heures pour parcourir une distance horizontale de 400 mètres et gagner 100 mètres de hauteur !
                Il est 14 heures, et comme nous avons retrouvé notre sentier, nous sommes rassurés et constatons qu'il est grand temps de faire une pause déjeuner. Nous rejoignons donc le ruisseau de Bravinu quelques mètres en contrebas, pour nous y installer confortablement. Nous avons manifestement emplafonné mes prévisions : à cette heure-ci nous devrions avoir fini notre déjeuné aux bergeries de Furmicuccia... et il reste encore plus de 300 mètres à gagner avec des aléas possibles ! Nous ne nous inquiétons pas outre-mesure puisque la pause durera 1h30.
                Le sentier, maintenant bien cairné, nous conduit sans difficulté aux vestiges des bergeries de Bravinu, puis au coude du ruisseau lorsque celui-ci bifurque vers l'Est. Dans ce secteur, nous perdons à nouveau les traces, et cette fois-ci nous nous frayons un passage le long du ruisseau, alors que le sentier passe bien plus haut, comme nous le constaterons au retour. Ce sera moins difficile que la première fois, car une demi-heure plus tard, nous retrouverons le sentier quelques 300 mètres plus loin.


L'amont de la vallée de la Restonica depuis P01 ; Punta di Castelli (2180m) vers la gauche En face, en rive gauche de la Restonica, Forcelle (1765m) à gauche et Punta di u Finelli (1565m) à droite L'aval de la vallée de la Restonica depuis P01 ; Punta di u Finelli (1565m) à gauche La belle vasque offerte lors du premier franchissement du ruisseau de Bravinu Pitons marquant la confluence entre les vallons de Bravinu et de Colonelli

Le vallon sauvage de Colonelli Muret de protection aux bergeries de Bravinu Eckard, Elisabeth et Serge aux bergeires de Bravinu Barres rocheuses séparant les vallons de Riviseccu et du Bravinu

Eckard en recherche d'itinéraire, toute trace ayant à nouveau été perdue peu après les bergeries de Bravinu... Les dentelles en rive droite du vallon de Bravinu dans le secteur de P03 L'amont du vallon depuis P03 ; au loin, la ligne de crête menant à Monte Cardo (sommet masqué par un rocher) En P03, la vallée s'ouvre autour de la zone des bergeries de Furmicuccia Zoom sur les bergeries de Furmicuccia (au pied du grand piton rocheux à droite)


                En arrivant en P03, la couverture végétale disparaît et la vallée s'élargit pour nous laisser découvrir le site des bergeries de Furmicuccia dans toute sa splendeur. Elles sont situées au pied d'un grand piton en limite d'une masse rocheuse impressionnante, juste au-dessus de la confluence de 4 ruisseaux, dont celui de Furmicuccia qui y a creusé de belles gorges. Si entre le Sud et l'Est, en direction de Punta da i Ciotti et de Monte Cardo, les pentes semblent relativement douces et bien envahies par les aulnes, les autres secteurs sont particulièrement sauvages avec de grandes et nombreuses barres rocheuses entrecoupées par des couloirs invitant à l'exploration.
                Les bergeries sont bien visibles au pied du piton sur la « petite » colline entre les ruisseaux de Furmicuccia et Cutetulone. Il s'avère que cette colline est tout de même haute d'une bonne centaine de mètres... ce qui va exiger quelques efforts pour le ravitaillement en eau. Nous remplissons donc tous nos récipients, sans oublier de faire un brin de toilette, avant de gravir cette dernière colline.
                Nous arrivons aux bergeries vers 18 heures, 8h30 après avoir quitté le camping de Tuani... soit tout de même quelques quatre heures de marche en oubliant pauses et erreurs ! Les 2h30 annoncées sont donc réservées à des candidats avançant à un rythme soutenu et connaissant parfaitement les lieux.
                Aux bergeries, plusieurs zones sont suffisamment planes pour planter nos tentes, mais elles servent également d'étable pour les vaches... et nous avons quelques difficultés pour dénicher des emplacements plats et propres. Vu l'heure déjà tardive, j'abandonne toute idée d'exploration des environs, et la soirée sera consacrée au dîner et à un repos finalement bien mérité ! Elisabeth s'inquiète pour ses chaussures, car l'avant de sa semelle gauche est décollé et se dégrade de plus en plus. Espérons qu'une réparation de fortune réalisée avec un ruban adhésif haute résistance fourni par Eckard permettra d'éviter un décollement complet de la semelle...



Deuxième étape : Monte Cardo
Le lundi 22 août 2011



                Au programme aujourd'hui, une boucle, avec des sacs à dos légers via Punta Lattiniccia, Monte Cardo, les environs de Punta da i Ciotti, avec la recherche d'un raccourci permettant de rejoindre nos bergeries à ce dernier sommet. Sophie et Eckard préfèrent se reposer aux bergeries dans cet environnement si original, et se réserver pour le lendemain, à savoir le parcours de Monte Rotondo par les crêtes, à priori la journée la plus difficile du trek.
                Nous ne serons donc que trois, Elisabeth, Serge et moi pour nous lancer dans l'aventure avec ce projet d'itinéraire totalement inédit, hors sentier au-delà des bergeries de Viudoni. D'après le topo qui a inspiré cette journée, ces dernières devraient être atteintes en une heure par un sentier.
                Peu après notre départ à 8h30, nous découvrons effectivement quelques cairns et traces qui se transforment progressivement en sentier. En P04, après un bon raidillon le long d'un autre piton, nous quittons les masses rocheuses qui abritent les bergeries. Au fur et à mesure, les reliefs apparaissent au Nord de la vallée de Bravinu.
                Vers 1600m, comme le montrent les photos prises en P05, on voit ainsi la ligne de crête autour du plateau d'Alzo, avec notamment Forciutu et le col de Cappellaccia, et au loin les reliefs encadrant Monte Cinto. Plein Nord nous reconnaissons Pinerole, avec devant le sommet, les reliefs où se cache l'Arche de Corte alias « Arca di Scandulaghja ». Malheureusement, Eckard est resté aux bergeries avec ses jumelles, et je ne découvrirai effectivement cette arche que lors de la création de cette page, après avoir examiné en détail les agrandissements de la quatrième photo ci-dessous. Vous pourrez donc, vous aussi, l'entrevoir à une distance de 9km !
                Petit problème, plus de cairns et plus de trace de sentier... Aurions-nous une nouvelle fois perdu le cheminement ? Cela ne nous gène pas outre-mesure, car la progression est relativement aisée sur ce type de terrain, et il n'y a pas d'obstacle visible. Comme la veille, cette insouciance va nous coûter deux-heures environ ! En effet, un peu plus tard, nous découvrons les bergeries de Viudoni, mais des massifs d'aulnes, des barres rocheuse et deux petits ravins nous séparent de ces bergeries... Il aurait alors été plus rapide de faire demi-tour !
                Le temps que j'explore un passage dans les aulnes, Elisabeth, qui suit des cours d'escalade se trouve déjà au sommet d'une barre rocheuse d'une dizaine de mètres de haut... Serge lui aussi prend des cours et rejoint Elisabeth sans difficulté ; quant à moi, à mi-hauteur, je ne me sens pas à l'aise avec mon sac à dos qui doit faire ses 8 kilos (provision d'eau et appareil photo oblige). Je demande donc à Serge de sortir la corde pour hisser le sac, après quoi, j'arrive à les rejoindre sans encombre. Tout cela prend du temps !
                Comme nous dominons un peu la zone des bergeries de Viudoni, nous arrivons à dessiner sur le terrain un itinéraire qui doit permettre de les rejoindre, en limitant la distance à parcourir dans les aulnes et en visant des zones où les petits ravins semblent franchissables... Tout se passe comme prévu, si ce n'est que les aulnes sont plus impénétrables que d'habitude... comme l'exprime si bien Serge, « savoir nager est plus utile que de savoir marcher dans un tel environnement ». Durant ces bains d'aulnes, sans nous éloigner les uns des autres de plus d'une vingtaine de mètres, nous ne sommes pas restés groupés en permanence mais on apprend vite à localiser précisément un coéquipier qui a annoncé avoir trouvé un passage plus facile : il s'agit de grimper sur des branches suffisamment solides pour faire dépasser sa tête, et chercher là où les feuilles des aulnes bougent... Cela doit être plus difficile lorsqu'il y a du vent ! J'ai bien l'impression que ce genre de scène amuserait bien des spectateurs !
                Alors que nous aurions dû arriver près des bergeries de Viudoni autour de 9h30, nous y voilà donc à 11h45... Il faut se rendre à l'évidence : nous ne pourrons pas réaliser le programme prévu à l'origine, d'autant plus que nous ne savons pas combien de temps nous mettrons pour rejoindre les bergeries de Furmicuccia à partir d'ici. Existe t-il vraiment un sentier ou au moins un trajet moins inextricable ? Il faut en tout cas être de retour dans ce secteur avant 18h00 pour pouvoir, si nécessaire, se replier avant la nuit (sans lune) sur l'itinéraire que nous venons d'inaugurer, et qui est enregistré sur le GPS.


Le vallon du Bravinu depuis P04 ; les bergeries de Furmicuccia sont cachées derrière le piton au second plan Au centre, le piton des bergeries de Furmicuccia (vu depuis les environs de P05, au retour) En P05, la vue s'ouvre sur les reliefs au Nord (Monte Cinto au tiers gauche) Depuis P05, Pinerole (1951m) à gauche ; au quart droit, à mi-hauteur, on peut deviner l'arche de Corte (cliquer sur la loupe) Barres rocheuses nous séparant des bergeries de Spiscie et de Riviseccu

Depuis les environs de P05, la ligne de crête entre Punta Lattiniccia (un peu au-delà du bord gauche) et Monte Cardo (au bord droit) Depuis P06, regard vers le Nord-Ouest ; Monte Cinto vers la droite Depuis P06, zoom sur Punta di Castelli (2180m), avec Forciutu (1947m) à droite Au dernier plan dans l'ombre, la Grande Barrière et Punta Minuta avec  devant au soleil, la ligne de crête où culmine Monte Cinto

A gauche, Monte Padru et plus près, la forêt de Melo ; à droite Cima a i Mori derrière le massif de Pinerole Les bergeries de Viudoni (1740m) depuis P06 Les bergeries de Viudoni (1740m) depuis les environs de P07 Depuis P07, au centre, Punta da i Ciotti (2379m) sur la ligne de crête rejoignant Monte Cardo à Monte Rotondo En P07, Paglia Orba émerge au-dessus de la ligne de crête entre Punta di Castelli et Forciutu


                L'objectif principal de la journée étant Monte Cardo, c'est tout naturellement vers ce sommet que nos regards s'orientent. Une ligne de relief Ouest-Est relativement douce au pied de laquelle sont situées les bergeries de Viudoni est accessible au moins jusqu'à 2000 mètres d'altitude. Les aulnes sur son flanc Nord n'ont en effet pas envahi sa ligne de crête. Comme je ne vois aucune autre solution pour monter de manière directe au sommet, il ne reste plus qu'à tester cette option, en espérant que nous ne serons pas bloqués par des barres rocheuses ou des aulnes... Nous nous y engageons avec détermination, mais inutile de dire que nous ne rencontrons ni cairn ni trace !
                En regardant en aval, nous voyons effectivement un sentier qui franchit le vallon au pied des bergeries de Viudoni ; bien que nous ne pouvons en voir qu'un tronçon, cela nous rassure pour notre retour ce soir. Plus haut, dans la même direction, Paglia Orba émerge maintenant au-dessus de Forciutu. A l'Est, en direction de Punta da i Ciotti, nous apercevons un immense pierrier trouant les aulnes ; Cet itinéraire serait-il utilisable demain ? Serge n'est pas très optimiste, mais c'est Elisabeth qui se pose le plus de questions avec sa semelle sur laquelle les adhésifs ont disparu...
                En tout cas, nous poursuivons notre ascension, et au fur et à mesure, nous découvrons que la ligne de relief reste praticable, même si elle devient un peu plus raide. Nouveau souci : l'avant de la semelle de la chaussure d'Elisabeth tombe... Serge propose le demi-tour, je suggère de laisser Elisabeth et nos sacs à dos sur place, et de tenter le sommet à deux... et Elisabeth conclut avec une troisième solution : elle continuera sans le bout de semelle : après tout il reste le chausson intérieur qui va encore tenir un peu !
Au sommet de Monte Cardo, ELisabeth présente fièrement les restes de sa chaussure gauche                 Arrivés en P08, à 2180 mètres, un dilemme se présente à nous : faut-il poursuivre sur notre lancée, avec une suite facile à court terme, mais sans aucune garantie plus haut, ou au contraire traverser le talweg nous séparant du sommet de Monte Cardo, avec un itinéraire pouvant s'imaginer, malgré des doutes sur quelques passages masqués par des pitons rocheux ? Il est clair que si nous prenons une mauvaise décision, nous n'aurons pas le temps de tester l'autre alternative. Me sentant hésiter, Serge décide de choisir la seconde solution.
                C'est la bonne option, car aucune difficulté ne se présente et nous gagnons les derniers 275 mètres en 45 minutes, sans doute la vitesse de montée la plus rapide de la journée... Une suite de bons choix depuis les bergeries de Viudoni nous a donc permis de réaliser cette ascension improvisée à Monte Cardo ! Si nous n'imaginions pas rencontrer d'autres randonneurs sur notre itinéraire inédit, on pouvait espérer que nous en retrouverions au sommet, arrivés par la voie normale... Eh bien non, nous ne verrons personne d'autre !
                Arrivés au sommet, la ligne de crête vers , Monte Rotondo attire mon regard : ce ne sera pas pour aujourd'hui, ni pour demain d'ailleurs. Même si le chausson intérieur d'Elisabeth a tenu le coup pour l'instant, il va falloir programmer une interruption pour pouvoir racheter une paire de chaussures à Corte. Parmi les sommets que j'ai fréquentés apparaissent dans le sens des aiguilles d'une montre : Forciutu, Capu a u Tozzu, Punta Artica, Capu a a Cuccula, Punta di e Cricche, Capu a e Ghiarghiole, Paglia Orba, Punta Minuta, Capu Falu, la pointe des Eboulis, Monte Cinto, Monte Padru, Cima a i Mori, Turone, Monte San Petrone, Monte Incudine, Punta dell'Oriente, Monte Renoso, Punta alla Vetta, Monte d'Oro et Migliarello.
                Toute proche, l'antécime sud-est de Monte Cardo est en fait le sommet d'un piton impressionnant derrière lequel on reconnaît le village de Vivario. En direction de Punta Lattiniccia, de nombreuses aiguilles colorées ornent le versant Est du cirque. Nous avons également une belle vue plongeante sur notre itinéraire de montée, et sur les bergeries de Furmicuccia quelques mille mètres plus bas.
                Profiter du paysage, c'est bien ; se rassasier en même temps, c'est encore mieux, surtout après six heures d'effort ! Nous nous régalons donc avec nos quelques provisions, qui allègent nos sacs à dos pour le retour.
                Décider de la suite du parcours est facile : comme il est bientôt 15 heures, qu'il fait nuit dans six heures, qu'il nous reste à chercher le sentier qui rallie les bergeries de Viudoni à celles de Furmicuccia, et qu'à défaut il faudra nager pendant plus d'une heure dans les aulnes, l'itinéraire de retour sera le même qu'à l'aller jusqu'aux bergeries de Viudoni. Les traces aller sont enregistrées, et même en double car Serge utilise également un GPS, et nous ne risquerons donc pas de prendre une fausse route.


Tour d'horizon secteur sud-Ouest : Punta Migliarello (2254m) à gauche et Monte Rotondo (2622m) à droite Tour d'horizon secteur Nord-Ouest avec Punta Artica (2327m), Paglia Orba (2525m) et Monte Cinto (2706m) Tour d'horizon secteur Nord : Monte Padru (2390m) au centre et Cima a i Mori (2180m) plus à droite Tour d'horizon secteur Nord-Est : Punta Lattiniccia (2413m) toute proche et Monte San Petrone (1767m) au centre

Tour d'horizon secteur Est : au centre, la basse vallée du Tavignano ; on devine la côte Est Tour d'horizon secteur sud : Monte Incudine (2134m) au centre au loin et Monte d'Oro (2389m) à droite Zoom sur Monte Rotondo (2622m) ; Punta da i Ciotti (2379m) au premier plan Au centre, Capu a u Tozzu (2007m) émerge derrière Cima San Gavino (2222m) ; plus à droite, Punta Artica (2327m) Paglia Orba (2525m) et au premier plan à droite, Forciutu (1947m)

A gauche, la Grande Barrière puis Punta Minuta (2556m)  et vers la droite,  Monte Cinto (2706m) De gauche à droite : Punta Sellula (2593m), Capu Verdatu (2583m), Capu Biancu (2562m) et Monte Padru (2390m) Au centre, Cima a i Mori (2180m) puis le Turone (1929m) et Pinzi a i Giuelli (1863m) ; plus près, Pinerole (1951m) Monte San Petrone (1767m) ; à gauche le village de Santa Lucia di Mercurio et à droite, celui de Sermano

Au loin, Monte Incudine (2134m) ; au centre, Monte Renoso (2352m) puis Punta alla Vetta (2255m) Monte d'Oro (2389m) et Punta Migliarello (2254m) ; Punta di Petra Facciata (1713m) au premier plan L'antécime Sud-Est de Monte Cardo (2380m) devant le village de Vivario 1700m plus bas En bas, vers la gauche, les barres rocheuses des bergeries de Furmicuccia, un millier de mètres plus bas, à deux kilomètres à peine La crête menant à Punta Lattiniccia (2413m)) qui apparaît tout à droite


                Vers 15 heures, après être restés 40 minutes au sommet nous remettons le cap sur les bergeries de Viudoni. Notre petite vallée est en permanence devant nous, ce qui permet de profiter encore mieux de cet environnement fort original. La descente est moins facile que prévue, et nous sommes surpris à plusieurs reprises par la raideur des couloirs que nous avons empruntés à la montée.
                Un de ces couloirs est venu nous rappeler combien il faut être prudent : Serge avait une vingtaine de mètres d'avance sur Elisabeth et moi ; j'ai fait riper un caillou qui devait bien peser son kilogramme ; celui-ci a touché une des chaussures d'Elisabeth, ce qui n'est pas bien grave, car il n'avait pas encore pris de vitesse ; en revanche, il a ensuite accéléré et s'est mis à rebondir tel un ballon ! Malgré l'alerte, Serge n'a pas réussi à l'éviter... Il a eu de la chance car le caillou a tapé, sans aucun dégât, sur son GPS placé dans la pochette de chemise au niveau de sa poitrine !
                Nous mettrons deux heures et demi pour atteindre les bergeries de Viudoni, à proximité desquelles nous nous arrêtons pour compléter les provisions d'eau. Inquiet pour la suite, je pars ensuite en éclaireur vers l'extrémité du petit plateau qui abrite les bergeries. Je constate avec plaisir que le sentier est bien là, et démarre après la traversée du ruisseau au seul endroit où il n'y a pas de gorge. De ma position, je ne peux en revanche pas atteindre directement la tête du sentier ; il reste donc à savoir par quel côté il faut contourner l'obstacle. A priori cela devrait être plus facile par le Nord, là où il n'y a pas de gorge.
                Pendant ce temps Elisabeth et Serge se sont engagés côté Sud, la voie directe. Je repère une vire descendante qui me permet de les rattraper, mais je fais demi-tour lorsqu'ils estiment un peu plus tard qu'il vaut mieux ne pas insister de ce côté-ci. Le contournement par le Nord ne posera en revanche aucun problème.
                Nous retrouvons donc enfin ce sentier bien tracé qui débute au ruisseau. Après une remontée d'une bonne dizaine de mètres, il chemine à plat, d'abord sur une surface dégagée, et traverse ensuite sans encombre un massif d'aulnes... Manifestement le sentier est très bien entretenu dans ce secteur ! Le sentier devient moins net là où il rejoint notre itinéraire de montée, ce qui nous donne quelques excuses pour notre grosse erreur matinale. Si vous voulez utiliser nos trace GPS, je vous recommande donc fortement d'utiliser l'itinéraire le plus au Nord entre les bergeries de Furmicuccia et celles de Viudoni.
                Hormis la fatigue qui commence à bien se faire sentir, c'est donc sans autre difficulté que nous retrouvons vers 19h20 nos compagnons qui se sont bien reposés aux bergeries durant cette journée. Et le chausson d'Elisabeth a tenu le coup !
                Lors du repas, nous discutons sur les amendements au programme pour permettre à Elisabeth et Serge d'aller racheter de nouvelles chaussures. Première option : Elisabeth et Serge font un aller retour à Tuani puis Corte sans les bagages et ramènent quelques provisions supplémentaires, pendant que nous autres ; nous nous mettons à l'ouvrage pour trouver un itinéraire vers la ligne de crête Cardo Rotondo ; seconde option : nous abandonnons les crêtes, et nous établissons demain soir un nouveau camp de base à Riviseccu pour monter au Rotondo par le vallon de Pozzolo.
                C'est cette seconde option qui est finalement choisie : sauf à passer à nouveau par Monte Cardo, la première présente en effet quelques aléas pour rejoindre la ligne de crête, alors que la seconde option ne devrait poser aucune difficulté. En outre, comme Sophie, Eckard et moi n'avons aucune raison de descendre jusqu'à Corte, nous formerons deux groupes et nous nous donnerons rendez-vous le lendemain soir aux bergeries de Riviseccu. Elisabeth et Serge se lèveront aux aurores, et nous autres, nous prendrons tout notre temps pour nous mettre en route.



Troisième étape : Des bergeries de Furmicuccia aux bergeries de Riveseccu
Le mardi 23 août 2011



                Comme prévu Elisabeth et Serge lèvent l'ancre autour de 7h30, alors qu'Eckard, Sophie et moi mettons le cap deux heures plus tard. A noter que la trace GPS retour entre les bergeries de Furmicuccia et la bifurcation vers Riviseccu est celle de Serge, car j'ai eu quelques problèmes avec mon GPS ce jour-là. Si vous voulez utiliser nos traces GPS, il est bien entendu préférable d'utiliser l'itinéraire retour que l'itinéraire aller, mais ce dernier n'est pas parfait non plus, car Serge et Elisabeth ont malgré tout fait quelques écarts durant la descente, et la réception des satellites laissait à désirer à plusieurs reprises.
                J'évoque avec Eckard et Sophie l'option de tenter une directe vers les bergeries de Riviseccu situées à peine à 2 kilomètres à l'Ouest. Les crêtes à franchir sont particulièrement impressionnantes mais un ou deux couloirs semblent fréquentables, et il suffirait de gagner quelques deux cent mètres pour atteindre ces cols... Mais qu'en est-il coté Riviseccu ? Manifestement Eckard et Sophie n'ont pas envie de tenter cette expérience !
                Nous descendons donc par l'itinéraire normal, en espérant ne pas trop nous tromper cette fois-ci. En fait seul Eckard réalisera un trajet quasi-parfait : après avoir perdu la trace, je cherche avec Sophie plus bas alors qu'Eckard cherche plus haut... C'est lui qui a raison, mais Sophie et moi avons, une nouvelle fois, la mauvaise idée d'insister en essayant de progresser le long du ruisseau : je sais en effet que le sentier va y redescendre un peu plus loin ! Au bout d'une demi-heure, de guerre lasse, nous remontons vers Eckard après avoir parcouru entre ronces et rochers une centaine de mètres peut-être.
                Il n'y aura pas d'autre perte notable du sentier et nous arrivons sans peine à la dernière vasque du Bravinu, où nous prenons du temps pour nous rafraîchir , et faire un brun de toilette. Après cette vasque, il n'y a plus moyen de se perdre, dans la mesure où au moindre écart, le maquis nous rappellera à l'ordre   !
                Nous arrivons à la bifurcation vers 13h40, quelques 4 heures après avoir quitté les bergeries de Furmicuccia. Nous pourrions bien entendu tourner à gauche pour rejoindre de suite le vallon de Riviseccu, mais comme deux heures doivent suffire pour rejoindre les bergeries, nous y arriverions un peu tôt dans l'après-midi.
                Par ailleurs, il est grand temps de déjeuner, et nous allons devoir nous rationner, car le nouveau programme s'étale sur une journée supplémentaire... La décision est facile : nous allons nous offrir un repas chaud au restaurant du camping de Tuani, situé à un quart d'heure à peine d'ici et si nous arrivons trop tard, nous ferons quelques achats à l'épicerie. (NB : Ce tronçon n'est pas représenté sur le profil de la randonnée)


Lever de soleil aux bergeries de Furmicuccia ; Punta di u Finelli (1565m) vers la droite Un des murets des bergeries de Furmicuccia qui dominent le vallon de Bravinu Barres rocheuses dominant les bergeries de Furmicuccia Premiers sommets éclairés au Sud des bergeries de Furmicuccia Les abris des bergeries de Furmicuccia

Eclairage matinal sur les reliefs au Sud des bergeries de Furmicuccia Eclairage matinal sur les barres rocheuses nous séparant des bergeries de Spiscie et de Riviseccu Eclairage matinal sur les barres rocheuses au Nord-Est ; Forcelle (1765m) au second plan vers la gauche Depuis les environs de P03, la gorge et le cirque devant la ligne de crête menant à Monte Cardo (non visible)

Eckard sur le sentier aux environs de P01 ; Punta di u Finelli (1565m) à droite Au centre, Monte Leonardo (1146m) marque la confluence de la Restonica avec la vallée de Riviseccu qui bifurque à gauche Panneau marquant l'arrivée aux bergeries de Riviseccu Un  muret des bergeries de Riviseccu, avec son foyer Une des maisons rénovées des bergeries de Riviseccu


                En arrivant au restaurant à 14h00 précises, on veut bien nous accepter pour le déjeuner... ouf ! Le repas durera pas mal de temps, et Elisabeth et Serge nous y retrouverons aux alentours de 16h00. Elisabeth a déniché à Corte sa paire de chaussure haut de gamme que lui avait conseillée Eckard.
                En quittant le restaurant, Eckard se rend compte qu'il n'a plus ses jumelles. Après avoir vérifié qu'il ne les avait pas oubliées au restaurant, il pense qu'il a dû les accrocher à un arbre, lors de la baignade dans la vasque du Bravinu. Comme il faut au moins une heure et demi aller retour depuis la bifurcation, ce sera difficile d'y aller aujourd'hui ; mais comme personne ne passe par là, si elle y est effectivement, elle y sera encore le surlendemain, et là il aura tout son temps pour les rechercher.
                Alors que Sophie et moi sommes prêts à mettre le cap sur les bergeries, Eckard, Elisabeth et Serge sont loin d'avoir bouclé leur sacs à dos. Je leur propose de prendre un peu d'avance avec Sophie.
                Nous voilà donc partis autour de 16h45. La bifurcation est atteinte dix minutes plus tard, et nous voilà sur un tronçon balisé qui va nous mener à la piste de Riviseccu. Quelques minutes plus tard, nous ne voyons plus les marques, mais un sentier, certes dégradé, continue de longer la rive de la Restonica... jusqu'à une impasse ! Il faudrait passer une vasque à la nage au pied d' un verrou ... Demi-tour donc pour nous apercevoir que nous avons une nouvelle fois manqué une bifurcation ! Un quart d'heure de perdu dans l'histoire, et nous ne savons pas si nos compagnons sont devant ou derrière nous...
                Sophie est en forme, et nous avançons à un bon rythme. A 17h30, nous rejoignons la piste de Riviseccu juste en amont du pont sur la Restonica qui la dessert. Cette piste ne peut pas être utilisée par une voiture ordinaire. Elle grimpe de manière relativement régulière, d'abord en rive droite du ruisseau de Riviseccu. A mi-chemin, elle passe en rive gauche par un radier ou un pont, ce dernier n'étant plus utilisable par un véhicule.
                Vers 18h30, un coureur nous rejoint. Il s'agit d'un habitant de la région qui nous indique que nos camarades sont aux environs du pont, puis nous confirme que les bergeries de Riviseccu sont un excellent lieu de bivouac et que la montée vers le Rotondo par cette vallée est splendide. Il nous met toutefois en garde en nous expliquant que si, aux alentours de Stazzo Vecchio, nous suivons la voie qui semble la plus naturelle, nous n'arriverons pas au sommet : nous mettrions trop de temps pour vaincre les aulnes (j'ai pu moi-même constater la vitesse de progression au milieu des aulnes, pas plus tard que la veille sur les pentes de Monte Cardo). Il convient en revanche de faire un détour par la gauche en empruntant les couloirs d'éboulis nettement dessinés dans les aulnes.
                Nous arrivons aux bergeries à 19h00. Celles-ci sont bien entretenues, mais il n'y a personne. Pendant que nous cherchons un emplacement bien plat, le coureur nous croise à nouveau dans le sens de la descente. Il nous explique qu'à son avis, les meilleurs emplacements se trouvent sur la partie supérieure des bergeries. C'est effectivement là, à proximité du départ du sentier vers les bergeries de Spiscie, que nous installons notre tente. Nos camarades nous y rejoignent une demi-heure plus tard.



Quatrième étape : Monte Rotondo
Le mercredi 24 août 2011



                Comme la journée sera relativement longue, nous nous levons à l'aube, et mettons le cap sur le sommet de Monte Rotondo dès 7h40, en laissant notre bivouac aux bergeries, où nous comptons bien passer la soirée. Quelques minutes plus tard, nous traversons une zone d'éboulis qui n'est autre que le lit relativement large du ruisseau de Pianella. Le sentier se retrouve facilement en face des éboulis, et un peu plus loin il passe en rive droite du ruisseau en provenance du lac de Pozzolo.
                Dès que nous sortons de la forêt, en P09, le paysage devient spectaculaire avec une succession de barres rocheuses parmi lesquelles cascade le ruisseau de Pozzolo. Je me pose quelques questions sur le cheminement de notre sentier entre toutes ces barres. Je constate au fur et à mesure qu'il est bien tracé et bien entretenu ; il contourne facilement les obstacles, longe quelques cascades, tout en se frayant parfois un passage dans les aulnes. Nous arrivons vers 9h00 aux bergeries de Spiscie (les bergeries des « cascades ») situées à 1650 m d'altitude. Le site est splendide et sauvage et les bergeries sont bien conservées. Je me fais la réflexion que ce site aurait représenté une excellente alternative pour établir notre camp de base. Nous aurions alors pu profiter plus longuement de notre journée à Monte Rotondo en gagnant deux heures.
                Eckard ne se sent pas en grande forme et décide de s'arrêter ici, puis de rentrer aux bergeries de Riviseccu. Certes, nous lui proposons de continuer un peu plus loin, par exemple jusqu'à Stazzo Vecchio, voire le lac de Pozzolo, mais n'arrivons pas à le convaincre. Nous quittons donc les bergeries de Spiscie à quatre. Le sentier reste bien marqué, et à un de ses détours, en P10, le fond du cirque s'ouvre totalement. Quel spectacle entre ce vert sombre des aulnes et toutes les teintes de gris des barres rocheuses et des murailles fermant le cirque ! Là-haut, à droite du cirque, voici l'Aiguille Noire et le ravin qui marque le lit du ruisseau de Pozzolo, juste derrière l'exutoire du lac dont on peut deviner l'emplacement.
                Le sentier reste bien marqué jusqu'à P11 où nous faisons une petite pause à l'ombre des aulnes ; j'y reprends quelques photos qui témoignent de la beauté du site. Quelques minutes plus tard, nous arrivons à Stazzo Vecchio, les « Anciennes Bergeries » où quelques ruines sont encore visibles. C'est là que ma conversation de hier soir avec le coureur prend toute son importance : il est en effet vraiment tentant de continuer à suivre le fond du vallon, et j'ai du mal à convaincre Serge que cela devrait nous conduire à une impasse... Plus à gauche, nous arrivons effectivement à localiser dans les aulnes les tranchées d'éboulis qui vont facilement nous permettre de gagner une bonne centaine de mètres... Mais ensuite ?
                Nous bifurquons donc à gauche, et empruntons les éboulis où se cachent quelques rares cairns. Ils sont un peu pénibles à négocier, mais nous arrivons assez rapidement au bord d'un petit plateau qui, dans la direction du lac de Pozzolo est dépourvu de toute végétation. Sans doute s'agit-il du fond d'un ancien lac glaciaire inondé au printemps, ce qui éviterait aux aulnes de prendre racines. Nous avons vraiment eu de la chance d'avoir rencontré un conseiller la veille !
                Après ce plateau, au Sud de l'aiguille Noire, aulnes et pierriers se partagent à nouveau le terrain dans le bas du vallon menant au lac de Pozzolo. Il y a de vagues lignes de cairns, mais Serge a repéré une vire dépourvue de végétation et accessible sur le flanc gauche du vallon. Je suis un peu perplexe, car on ne voit pas si la vire ne conduit pas à une impasse, mais après tout, on a un peu de marge horaire pour tenter ce parcours, manifestement non cairné.
                Belle réussite pour Serge, car non seulement la vire permet de s'affranchir de toute la zone d'aulnes, mais en plus nous y croisons un ruisselet en provenance de la falaise, qui permet de nous réapprovisionner avec une eau qui doit être de bonne qualité. Pour atteindre le lac, il nous reste à gagner 200 mètres sur un pierrier facile, mais pénible, avec au fur et à mesure que nous montons, des pierres et des blocs de plus en plus gros.
                Un peu avant 13 heures, nous découvrons enfin le lac de Pozzolo (qui aurait d'ailleurs été un lieu de bivouac si notre programme n'avait pas été amendé). Tout le monde a faim, et nous nous mettons à l'ombre d'un grand bloc rocheux avec vue sur ce petit lac bordé de plusieurs zones herbeuses à l'allure fort sympathique. Au-dessus de l'exutoire, je reconnais au loin Monte San Petrone, avec sa forme si caractéristique ; nous y étions avec Sophie il y a dix jours...


Depuis P09, la longue enfilade de cascades du ruisseau de Pozzolo, en aval des bergeries de Spiscie Une des cascades du ruisseau de Pozzolo, non loin des bergeries de Spiscie Lumières matinales sur les reliefs au Nord, avec au premier plan un muret des bergeries de Spiscie Au-dessus du col de Cappellaccia (1650m), Capu a u Verdatu (2583m) et Capu Biancu (2562m ) ; à droite, Monte Padru (2390m) Depuis les bergeries de Spiscie, Forcelle (1765m)) à gauche et Cima a i Mori (2180m) au loin

Georges et Sophie aux bergeries de Riviseccu devant l'amont du vallon de Pozzolo Les abris des bergeries de Spiscie en fin de journée devant les barres rocheuses nous séparant du vallon de Furmicuccia Serge traverse le ruisseau de Pozzolo près des bergeries de Furmicuccia (en fin de journée) Serge arrive aux bergeries de Furmicuccia (en fin de journée)

En P10, nous découvrons le fond du cirque de Pozzolo, et l'Aiguille Noire à notre droite A partir de P11, les aulnes deviennent très envahissantes... Depuis P11, zoom sur l'Aiguille Noire (2403m) Depuis P12, Monte Pozzolo (2525m), le col du Fer de Lance (2480m), l'Aiguille Noire (2403m) et Monte Rotondo (2622m) Depuis P12, l'Aiguille Noire (2403m) et Monte Rotondo (2622m) ; tout à droite; on peut deviner « le sous marin de poche » (cliquer sur la loupe)

Le lac de Pozzolo ; au loin, Monte San Petrone (1767m) Depuis le lac de Pozzolo, Punta Lattiniccia (2413m), Punta da i Ciotti (2379m) et Monte Cardo (2453m) Le col de Fer de Lance (2480m) depuis le lac de Pozzolo Monte Rotondo (2622m) depuis le lac de Pozzolo


                Comme Sophie l'avait déjà laissé entendre, plutôt que de remonter au Rotondo qu'elle connaît déjà, elle préfère récupérer au lac (elle a d'ailleurs emmené de la lecture). Nous sommes donc trois (Elisabeth, Serge et moi) pour tenter ce sommet ; il ne faudra pas trop traîner, car une nouvelle fois, la perspective de la nuit à 21 heures commence à peser. Nous nous fixons comme objectif de quitter le lac de Pozzolo au plus tard à 16 heures.
                Nous laissons la plupart de nos affaires, y compris l'appareil photo, en gardiennage à Sophie, et c'est donc bien légers que nous escaladons la faille oblique évidente décrite dans le guide Fabrikant. 150 mètres plus haut, au sommet de cette faille, un parcours horizontal, cap Nord, long d'une centaine de mètres permet de rejoindre un couloir évident qui mène au sommet.
                Je regrette maintenant de ne pas avoir emmené l'appareil photo sous prétexte que j'avais pris de nombreuses photos depuis le sommet lors de ma précédente ascension... Voici en effet le « sous marin de poche » décrit dans le guide Fabrikant : il vaut vraiment le coup d'œil (je l'ai retrouvé par la suite en zoomant une de nos photos prise en P12 durant la montée, voir ci-dessus).
                Au sommet du couloir, quelques pas d'escalade très faciles permettent de rejoindre la crête du Rotondo. En fait, il restera quelques dizaines de mètres à parcourir sur cette crête pour arriver à l'abri Helbronner puis au sommet même. Vous trouverez sur la page consacrée à Monte Rotondo de nombreuses images prises depuis le sommet, ainsi que plusieurs photos aériennes.
                Nous rencontrons trois personnes qui sont montées au sommet depuis Petra Piana. Parmi ceux-ci, un italien qui a laissé son épouse au lac Bellebone... Il passera par le col du Fer de Lance pour y redescendre, et cela nous conforte dans l'idée de passer par ce col pour rejoindre lac de Pozzolo, un itinéraire bis plutôt plus facile.
                Après avoir passé un quart d'heure au sommet, il est l'heure de redescendre. Comme la mémoire de l'italien est plus fraîche que la mienne (j'avais emprunté cet itinéraire il y a 9 ans), nous nous laissons guider, tout en constatant qu'il est très bien cairné. Nous nous séparons au col du Fer de Lance, l'italien tournant à droite et nous autres à gauche. La descente vers le lac de Pozzolo par le pierrier est relativement facile, et nous retrouvons Sophie à 15h30, toujours au pied de son rocher à l'abri du soleil.
                La descente vers les bergeries de Riviseccu par l'itinéraire aller ne posera bien entendu aucun problème, si ce n'est la fatigue accumulée depuis quelques jours qui ralentira sérieusement le rythme, et exigera quelques petites pauses. Sophie et moi retrouverons Eckard aux bergeries vers 19h30 après qu'Elisabeth et Serge aient pris une dizaine de minutes d'avance au cours du dernier tronçon entre Spiscie et Riviseccu.
                Comme prévu, nous passerons une seconde nuit aux bergeries, et il ne restera plus qu'à redescendre tranquillement au camping de Tuani le lendemain matin. Pour l'heure, il s'agit de reprendre des forces et de dîner en consommant nos dernières provisions.



Cinquième étape : Des bergeries de Riveseccu à Tuani
Le jeudi 25 août 2011



Le personnage sur le premier tableau de l'exposition consacrée à la montagne corse est... Sophie ! (cliquer sur la loupe)                 Après avoir démonté notre dernier bivouac de l'année, nous reprenons la piste aux environs de 9h00. La descente est bien entendu facile, sur la piste puis sur le sentier le long de la Restonica. Nous arrivons à 10h40 à l'arrêt programmé sur les bords de la Restonica, au niveau de la bifurcation : Eckard veut tenter de retrouver ses jumelles à la vasque du Bravinu. Je ne suis pas vraiment volontaire pour l'accompagner, car je ne suis pas totalement remis des efforts des jours précédents, heureusement que Serge se propose ! Ils mettront 1h30, à un rythme relativement soutenu pour faire l'aller-retour, sans malheureusement retrouver les jumelles. Nous voilà repartis pour le dernier petit tronçon jusqu'au camping de Tuani où nous arrivons à 12h30.
                Nous décidons de mettre directement le cap sur un restaurant à Corte qu'Elisabeth et Serge avaient apprécié l'avant veille, lors de l'achat de la nouvelle paire de chaussures. Après un repas bien mérité, nous nous rendons à l'exposition de photos consacrée à la montagne Corse, organisée notamment par Loïc Colonna, administrateur de www.photocorsica.com et gérant de l'hôtel du Nord à Corte. Sylvain Guillaumon qui nous avait accompagné au sommet du Tafonatu l'année précédente a en effet été un des lauréats du concours organisé pour cette exposition... et Sophie, certes non reconnaissable, figure sur la photo gagnante qu'il a prise au cours de l'ascension finale.
                C'est là que nos routes se séparent : Elisabeth et Serge vont aller à Haut Asco pour un nouveau trek : Tighiettu par le cirque de la Solitude ; Ciottulu di i Mori et le sommet de Paglia Orba (depuis le temps que je leur en parle...) ; à nouveau Tighiettu puis Capu Falu, la Pointe des Eboulis et retour à Haut Asco par la voie normale de Monte Cinto. Eckard retourne à Paris, et arrivera à prendre le dernier avion de la journée. Quant à Sophie et moi, nous nous offrons deux journées de repos bien méritées en bord de mer avant de rejoindre le continent.


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