Après le parcours hors sentier et les éboulis de l'avant veille pour monter à Capu Falu, Sophie souhaitait -pour une fois- faire une balade sur sentier. Parmi les sorties que j'avais préparées pour cette année, aucune ne satisfaisait réellement cette demande... Il fallait donc rechercher une balade, sur un itinéraire sans surprise, que nous n'avons, de préférence pas encore parcouru... Comme à plusieurs reprises, j'avais lu des récits relativement élogieux sur l'ascension de Monte Cinto par l'itinéraire classique partant de Haut Asco, le sentier candidat que nous n'avions jamais pratiqué était tout trouvé... Monte Cinto intéressait bien Thomas qui ne se souvenait plus de l'ascension qu'il avait réalisé en 1998 à l'âge de 7 ans par la face Sud, mais ni Sophie, ni moi-même n'avions envie de retrouver ce sommet qui ne nous avait pas particulièrement marqués. Il restait donc à imaginer un objectif peu éloigné de l'itinéraire de la voie normale de Monte Cinto : La pointe des Eboulis semblait un bon candidat, même si le nom présageait un minimum d'éboulis à négocier ; l'idée de revoir Capu Falu sous un autre angle (voire d'aller faire un petit crochet pour tester son ascension par le col de Crucetta) me séduisait également. Dans le livre « Corse des Sommets » aux éditions Albiana, randonnée 7, j'avais de plus repéré une variante intéressante pour la descente dont le principal inconvénient (en fonction des desiderata de Sophie pour cette journée) était d'être hors sentier, et surtout une option plus courte vers Capu Borba en cas d'une évolution défavorable de la météo. En effet les prévisions météorologiques n'étaient pas idéales : un temps certes beau, mais très frais pour la saison, avec du vent sur les crêtes relativement puissant le matin devant en principe faiblir en cours de journée. Pas de quoi cependant nous empêcher de partir, d'autant plus que la crête au niveau de la pointe des Eboulis est relativement débonnaire : peu de danger lié à un éventuel déséquilibre dū au vent ; quant à la température, nous devrons sans doute utiliser les habits chauds ce qui, contrairement aux habitudes, évitera de les laisser au fond de nos sacs à dos ! |
![]() | Téléchargez eboulis.gpx, la trace GPS de la rando avec 175 points de passage (pour son utilisation, voir la page conseils) ; pour un affichage direct dans Google Earth : eboulis.kml Survolez le trajet avec Google Earth via Sitytrail.com et tracegps.com... |
Bien que l'itinéraire soit relativement long, nous n'envisageons pas un départ au lever du jour : la température fraîche prévue pour cette journée et le vent fort en matinée n'incitent en effet pas à se retrouver au sommet de trop bonne heure... Après avoir enfilé nos polaires, nous quitterons le parking de Haut Asco à 7h32 (l'enregistrement GPS donne aussi les heures de passage...) Après une vingtaine de minutes en forêt, la vue se dégage vers le cirque de Trimbulacciu et la remarquable face Nord de Capu Larghia. N'étant plus à l'abri des arbres, une bonne brise bien fraîche nous accompagne maintenant. Le sentier longe ensuite la rive gauche du ruisseau du Tighiettu qu'il franchit sur une passerelle vers 1500 mètres d'altitude. Peu avant cette passerelle, nous croisons un groupe d'une dizaine de personnes en train de descendre. Il n'est que 8h15 et je me demande où ce groupe a bien pu passer sa nuit... Si ce premier tronēon était presque horizontal, le parcours, après avoir franchi le ruisseau devient relativement raide, avec en particulier un couloir cheminée de quelques mètres qu'il me paraît difficile de négocier sans utiliser les mains. Ceux qui n'aiment pas trop ce genre d'exercice peuvent se rassurer : c'est la seule petite difficulté technique du parcours. Nous croisons ensuite deux autres personnes en train de descendre (appartenant au groupe précédant ?) et, un peu plus tard, une troisième personne toute seule. Je suis maintenant suffisamment intrigué par tout ce monde qui descend pour engager la conversation et interroger ce dernier : en fait personne n'a passé la nuit là haut, et il s'agit tout simplement de demi-tours liés à un vent particulièrement violent un peu plus haut, dans le large couloir entre Capu Borba et la Tour Penchée... Essayant d'en savoir un peu plus sur les conditions réelles de vent, cette personne m'explique qu'on arrive à progresser sans danger, et que le demi-tour était plutôt lié à une perspective d'un vent encore plus violent sur les crêtes (ses coéquipiers avaient, eux, décidé de continuer). Il se trouve qu'ayant eu d'autres expériences en montagne par grands vents avec des températures bien plus froides, nous ne sommes pas trop inquiets pour l'instant, et le demi-tour n'est pas à l'ordre du jour en ce qui nous concerne ; au pire, Capu Borba serait un bon sommet de repli si le vent devenait vraiment trop violent là-haut. |
Après avoir pris pied dans le large couloir menant au pied de Capu Borba, effectivement le vent se renforce sérieusement, et la progression est bien ralentie par le vent de face qui exige dès lors un effort supplémentaire sur un sentier qui grimpe bien... L'idéal bien sūr serait un vent arrière pour grimper (ou un vent de face pour descendre) ! En fait la direction du vent (secteur Est) dans ce couloir est sensiblement opposée au vent en altitude (secteur Nord-ouest) ; il s'agit donc d'un phénomène orographique local, le fond abrité de la vallée d'Asco, est alimenté à contre courant notamment par ce couloir... La Tour Penchée et le vallon avec ses petites cascades sont fort spectaculaires, mais concentrés sur notre progression, nous ne ferons pas d'arrêt photo à l'aller durant ce tronēon, ce qui sera corrigé au retour... Ce n'est qu'en arrivant sur une petite zone plate, sans doute un ancien petit lac comblé au pied de Capu Borba, que le vent se révèlera moins gênant. Il est 11 heures passé et nous en profitons pour une dizaine de minutes de pause... et pour décider de continuer vers la Pointe des Eboulis bien visible maintenant à droite de Monte Cinto. |
Une demi-heure plus tard nous arriverons près du petit lac d'Argentu pour une pause photo ; nous cadrons le lac bien sūr, mais aussi Capu Borba, sensiblement à la même altitude que nous, avec son itinéraire d'accès évident vu d'ici. Nous surplombons une bonne partie de l'itinéraire réalisé cette matinée et au loin, la mer est maintenant visible au-dessus de la ligne de crête reliant Punta Missoghiu à A Muvrella. Un peu plus à gauche, Punta Minuta et les aiguilles sur son flanc Nord sont spectaculaires. Enfin, le premier névé tout près du lac est fort apprécié, en particulier par Thomas... Après le lac, pendant une bonne dizaine de minute, une traversée faiblement ascendante nous amène vers une zone dans laquelle il faut contourner quelques blocs rocheux pour atteindre les éboulis assez grossiers et relativement facile à négocier. Vers 2500 mètres, nous laisserons à notre gauche la trace vers Monte Cinto pour viser directement notre objectif de la journée : la Pointe des Eboulis. Nous y serons à 12h52, donc après plus de 5 heures de marche, un peu plus que prévu, sans doute à cause du vent... qui s'est bien assagi depuis ce matin, au point de devenir très peu gênant au sommet ! Pour le pique-nique, nous trouverons d'ailleurs un emplacement derrière quelques rochers où il est insensible ! |
Le tour d'horizon tient parfaitement ses promesses, avec une belle visibilité nous permettant par exemple de distinguer Monte Incudine à plus de 60 km au Sud ou le Cap Corse 80 km au Nord ! Le ciel est aussi agréable à regarder, avec vers le Sud et vers l'Est quelques lenticulaires, ces témoins de vent fort en altitude qui montrent que celui-ci ne s'est pas encore calmé sur l'ensemble de la Corse... Parmi les sommets qui retiennent le plus mon attention, Capu Scaffone et Capu Rossu sont bien visibles en direction du golfe de Porto (ainsi que l'autre Capu Rossu, sur la presqu'île à l'ouest de Piana). En effet un trek comprenant une douzaine de participants avec deux nuits dans ce secteur est prévu la semaine prochaine, avec ces deux sommets en option... Parmi les sommets déjà fréquentés, voici tout près Capu Falu avec ses deux antécimes au sud que nous avons parcourues avant-hier... et vers le Nord Monte Corona, où nous étions il y a quatre jours ! En fait à l'exception des sommets dans le secteur du Col de Vizzavone masquées par le massif du Rotondo, nous apercevons plusieurs conquêtes des années précédentes : A Muvrella, Monte Cinto, Monte Rotondo et le Le lac d'Oriente, A Maniccia, Lombarduccio, Monte Cervellu et bien sūr Paglia Orba ! Durant le pique-nique, nous avons eu droit à un autre spectacle supplémentaire : un chocard est venu faire des démonstrations en vol, et au sol, pour obtenir quelques miettes de pain, l'occasion aussi de tester mon appareil photo sur une cible dont les évolutions ne sont pas toujours prévisibles ! |
Après quelques discussions sur des options complémentaires comme Monte Cinto (proposé par Thomas), le col de Crucetta, ou bien Capu Borba, l'heure plutôt avancée (nous étions encore au sommet vers 14 heures) nous a finalement décidé de reprendre le même itinéraire pour le chemin du retour. Rien à signaler de particulier pour la descente vers Haut Asco, si ce n'est l'absence de vent significatif et des éclairages plus propices à la photo qu'à l'aller. Attention à ne pas manquer une petite bifurcation dans la forêt près de l'arrivée, si vous ne voulez pas vous retrouver sur la route à quelques 500 mètres du parking... Nous y serons à 18h30, après 11 heures de balade. |