En 1998, pour compléter notre balade découverte des lacs de Melo et de Capitello, j’avais préparé un circuit passant par la brèche du Capitello, et Bocca a Soglia... avec, qui sait, Punta alle Porte en supplément. Je ne me souviens plus des circonstances qui nous ont conduits à ne pas tenter l’option supplémentaire, peut-être l’horaire, le bas-âge de notre plus jeune enfant, la vue d’un passage impressionnant sur le GR20, ou tout simplement la fatigue d’un d’entre nous ? Depuis de nombreuses années, ce sommet était donc inscrit dans la liste des objectifs, pour devenir ce 27 août 2012, la cible principale de la journée. J’y ai associé, comme souvent, un objectif secondaire : les lacs de Rinoso que nous avions aperçus, en 1998 également, lors de notre boucle passant par a Maniccia. Cette option supplémentaire conduirait à rallonger la balade d’une à deux heures, sachant qu’il faut compter environ entre 6 et 7 heures pour un aller-retour basique. Un départ relativement matinal est donc souhaitable pour pouvoir bénéficier pleinement de cette journée, avec de bonnes pauses à Punta alle Porte et aux lacs de Rinoso. |
Après un départ à 6h30 de notre lieu de villégiature -situé cette année en bord de mer-, nous arrivons à 8h00 au parking de Grotelle, déjà envahi par plusieurs dizaines de voitures. En voulant mettre mes chaussures de randonnée, je découvre un gros problème : j’ai oublié mes chaussettes ! J’écarte assez rapidement l’idée de redescendre à Corte pour en acheter, vu le temps nécessaire pour parcourir ce tronçon routier pas très commode (d’autant plus qu’il faudrait commencer par croiser le flux montant). Malheureusement, la boutique du parking ne vend pas de chaussettes... nous essayons de voir parmi les randonneurs qui arrivent si personne n’aurait une paire en rab à nous vendre, mais les tentatives restent infructueuses ! Au bout d’un certain temps, je rencontre quelqu’un qui manifestement a déjà eu une expérience similaire : il m’explique qu’on peut très bien se passer de chaussettes, et qu’au bout de quelques minutes, toute gêne disparaîtra... Je suis quelque peu perplexe, les chaussettes de qualité faisant partie de l’équipement basique de tout randonneur. Je décide d’essayer, avec toutefois la ferme intention d’être très attentif à l’état des pieds : je ferai des vérifications poussées à chaque arrêt, avec le cas échéant un demi-tour pour prévenir toute blessure ou ampoule qui serait gênante pour les jours suivants. Nous mettons finalement le cap sur le lac de Melo à 8h35, après avoir consommé une demi-heure pour cette affaire de chaussettes. Comme on me l’avait indiqué, la petite gêne liée à leur absence s’oublie rapidement... Il y a beaucoup de randonneurs sur le sentier, progressant à des rythmes très différents, avec de nombreux dépassements à la clé. Nous retrouvons un couple de belges, à qui nous avons tenté d’acheter des chaussettes, et essayons de leur vanter les mérites de Punta alle Porte. Au bout d’une demi-heure, peu après les anciennes bergeries, il faut choisir entre l’itinéraire en rive droite ou en rive gauche de la Restonica. Pas d’hésitation en ce qui nous concerne pour choisir la rive droite (à l’Est de la vallée) ; celle-ci est à l’ombre (Sophie préfère la fraîcheur pendant les randonnées), et la plupart des randonneurs choisissent l’autre option (nous ne sommes pas fanas des sentiers très fréquentés). Juste après la bifurcation, nous traversons la Restonica, juste un petit ruisseau en cette fin d’été, et un peu plus loin, nous croisons le grand cairn qui marque le départ du cheminement vers le vallon de Rinoso. Alors que le sentier grimpait modérément jusqu’à présent, il devient maintenant plus escarpé à l’approche du lac, mais sans difficulté particulière (les dalles inclinées et échelles confèrent à l’autre cheminement un caractère plus ludique). Nous arrivons au lac de Melo vers 9h45, et il est grand temps d’enlever mes chaussures pour le premier examen approfondi de mes pieds... pour constater l’absence de tout signe avant coureur d’irritation. Je commence à faire confiance au conseiller du parking de Grotelle... Malgré l’heure matinale, il y a déjà plusieurs dizaines de personnes au bord du lac de Melo. On parle souvent de sur-fréquentation et le chiffre de 50 000 visiteurs par an (soit environ 500 par jour en haute saison) est parfois avancé. Le site est bien sûr exceptionnel, avec notamment dans le secteur ouest, les contreforts du Lombarduccio, et le cirque dominé par la multitude de pointes entre Punta alle Porte -notre objectif est bien visible- et Punta Cappella. En regardant en arrière, vers le Nord, les formations rocheuses, notamment dans le secteur de Cima San Gavino retiennent également l’attention. Nous voilà repartis vers le lac de Capitello. Après avoir longé la rive du lac de Melo sous une petite barre rocheuse, nous passons à proximité de la maison du gardien, pour nous enfoncer ensuite dans le cirque dominé par la brèche de Goria. Aucune difficulté d’orientation bien entendu, l’itinéraire étant doublement balisé par les marques jaunes sur les rochers et par les autres randonneurs... En revanche, trouver le cheminement vers la brèche puis le lac de Goria nécessite bien plus d’attention, et des randonneurs qui étaient allés trop loin vers Capitello nous ont d’ailleurs demandé conseil. En approchant du lac, un passage sur rochers relativement escarpé, où l’usage des mains est nécessaire, doit être négocié. Comme le franchissement est un peu délicat, il y a du monde, mais l’attente n’est pas très longue à cette heure-ci, d’autant que personne ne redescend pour le moment. Nous voilà arrivés au lac de Capitello, même diagnostic qu’au lac de Melo pour l’examen médical de mes pieds... Sophie propose une pause un peu prolongée agrémentée d’un petit casse-croûte ; il est vrai que le site est sublime, et il serait dommage de ne pas en profiter ! Punta alle Porte est à nouveau bien visible, et je me demande même si l’accès direct par un système de couloirs à gauche de la paroi rocheuse surplombant le lac n’est pas possible. J’avais également envisagé d’essayer d’atteindre la crête puis le GR20 par la brèche de Sorbo, en empruntant le pierrier à droite de cette paroi rocheuse. Comme ce pierrier dépourvu de traces de passages visibles ne semble pas inspirer Sophie et que nous ne sommes pas particulièrement en avance, autant ne pas tenter le diable... |
Une bonne demi-heure plus tard, après m’être rechaussé (après tout, ce n’est pas désagréable de rester pieds nus pendant les pauses), nous voilà repartis vers la brèche du Capitello, en contournant le lac par la gauche. Quelques dizaines de mètres plus loin, nous rencontrons à nouveau le couple belge ; ils acceptent rapidement de nous accompagner au moins jusqu’à la brèche quelques 150 mètres plus haut. Le cheminement est toujours balisé en jaune, mais il n’y a plus personne ! Dans un premier temps le sentier est d’excellente qualité et monte progressivement, c’est sans doute la meilleure portion du trajet ! Nous dominons maintenant le lac, et distinguons d’ailleurs des alpinistes sur la paroi rocheuse qui le surplombe. A l’approche de la brèche, les choses se compliquent un peu, et il faut à nouveau se servir des mains pour franchir quelques passages non exposés. Les difficultés à négocier sont comparables à celles précédant le lac de Capitello. Une demi-heure plus tard, nous voici à la brèche de Capitello qui nous ouvre le paysage vers le Sud avec Monte d’Oro en vedette. Cette brèche est collée contre une belle aiguille très remarquable. En regardant vers l’ouest depuis la brèche, je suis surpris de voir une centaine de mètres plus loin, ce que je crois alors être des alpinistes... Je mettrai du temps pour comprendre qu’il s’agit en réalité d’un passage très escarpé du GR20, sécurisé par une chaîne. Nos compagnons belges, comprenant qu’il faudrait passer par là, abandonnent l’idée de nous accompagner à Punta alle Porte. Je leur suggère alors de redescendre au lac de Melo par Bocca a Soglia, un itinéraire plus facile que celui par le lac de Capitello. Heureusement que Sophie n’a pas la même appréhension : le fait que le passage se trouve sur le GR20 la rassure totalement, et nous nous engageons donc résolument vers l’obstacle. En arrivant, nous constatons qu’il est moins impressionnant que vu de loin (ce qui est assez classique) et qu’il y aura de l’attente, car un groupe peu habitué à ce type d’exercice est en train de le descendre en sens inverse. Il semble qu’un couloir cheminée parallèle permette d’éviter cet obstacle par la gauche. Nous tentons donc ce contournement : cela passe assez bien, mais un pas nécessite tout de même un peu d’agilité à la montée. Après l’obstacle, avec toujours le lac de Capitello en contrebas, voici à nouveau Punta alle Porte, flanquée de son aiguille sombre ; elle est maintenant proche, et j’essaie de deviner le cheminement le plus facile jusqu’au pied de la pyramide, et surtout l’endroit où il va falloir quitter le GR20. Quant à la pyramide terminale elle-même, compte tenu de la cotation du sommet, nous trouverons bien un passage, même si cela n’a rien d’évident vu d’ici. Nous poursuivons sur le GR20 et arrivons rapidement dans la zone où nous devons bifurquer. Je remarque un passage qui semble accessible entre des petites terrasses ; de plus un gros cairn marque cet endroit, mais du côté opposé sur le GR20. Nous nous y engageons, et à l’exception d’un pas où les mains sont nécessaires, nous n’avons aucun mal pour atteindre le pied de l’aiguille sombre (il y a d’ailleurs des cairns positionnés de façon pas très cohérente, ce qui semble confirmer que plusieurs options sont possibles). |
Une ligne de cairn propose maintenant de contourner l’aiguille par la droite, en direction d’un col, et un cairn isolé propose de passer à sa gauche, dans un dièdre encombré de blocs de différentes tailles menant directement à la crête de Punta alle Porte. Nous choisissons de tester le voie directe par le dièdre : là encore un passage demande un peu d’habileté à la montée, mais aucune autre difficulté ; il ne faudrait toutefois pas qu’un des blocs commence à glisser dans le dièdre... En arrivant sur la crête qui mène au sommet en quelques instants, nous constatons que l’itinéraire contournant l’aiguille est plus facile mais nécessite de perdre puis de regagner quelques dizaines de mètres en face Ouest. Il est 13h00, et nous voilà, seuls, au sommet de ce belvédère extraordinaire qui domine l’ensemble du cirque de la Restonica... et une bonne partie de la Corse ! Dire que nous sommes à une demi-heure à peine du GR20 et que de nombreux randonneurs y transitent à cette heure-ci ! Je n’ai jamais épluché les guides sur le GR20, mais s’il n’existe pas déjà, il faudrait en créer un pour les candidats les moins pressés ! Rien qu’en parcourant cette autre page de ce site, vous trouverez de nombreuses autres options que je qualifierais d’incontournables (quitte à ne pas parcourir le GR20 en entier si le temps est compté). La plupart des sommets corses que nous avons fréquentés sont visibles sur notre tour d’horizon ; outre Paglia Orba, je citerai seulement le plus lointain d’entre eux : Monte Incudine et ceux accessibles depuis la vallée de la Restonica, à savoir : Monte Rotondo, A Maniccia et Lombarduccio. Parmi les lacs de montagne, outre Melo et Capitello, nous avons une belle perspective sur le lac de Nino et devinons le lac de Creno , niché dans la forêt. Par ailleurs, la côte ouest entre le golfe d’Ajaccio et le golfe de Porto est visible, mais elle est très estompée par la brume. L’antenne haubanée située au sommet gâche certes un peu le paysage, mais c’est semble-t-il pour la bonne cause car il s’agirait d’un relais pour les secours en montagne. De plus cette antenne aide bien à identifier ce sommet ! |
Nous nous attardons une petite heure au sommet, tout en sachant que l’option de rentrer par le vallon de Rinoso s’éloigne au fur et à mesure... Vers 14h00, je me rechausse (aujourd’hui les pauses se font pieds nus, voir pourquoi plus haut), et nous entamons notre descente, initialement vers la brèche du Capitello. Nous reprenons l’itinéraire du dièdre, et avons la surprise de rencontrer deux randonneurs au pied de l’aiguille sombre : ils se posent eux aussi la question « à gauche ou à droite ?» . Nous n’aurons donc pas été les seuls à fouler le sommet de Punta alle Porte ce jour-là ! Ensuite, Sophie déniche une belle ligne de cairns ; celle-ci nous amène, en évitant tout obstacle, au GR20, une centaine de mètres au delà de notre itinéraire aller. Nous reprenons donc le GR20 et retrouvons un peu plus loin le passage escarpé protégé par une chaîne. Une personne à moitié engagée, assise sur un rocher semble avoir quelques soucis, son compagnon et son sac à dos sont déjà en bas. Elle nous demande de la doubler, peut-être pour se rassurer. Cette fois-ci, il n’y a donc pas d’attente, pour franchir l’obstacle par la voie normale. Arrivés à la brèche du Capitello un peu avant 15h, il s’agit de prendre une décision : retour direct ou retour par les lacs de Rinoso ? Nous considérons qu’il est trop tard pour profiter des lacs, d’autant plus que les nuages cumuliformes recouvrent de plus en plus le ciel, et qu’il sera plus agréable d’y retourner le lendemain. Par contre, pourquoi ne pas rentrer par Bocca a Soglia ? cela nous rappellera les souvenirs de notre balade en 1998, et nous coûtera à peine une demi-heure supplémentaire. Nous continuons donc sur le GR20, en laissant la pointe rocheuse de la brèche du Capitello à notre gauche, et comme je ne suis pas très attentif, nous nous retrouvons sur un beau sentier qui manifestement ne comporte plus les traces blanches et rouges...Nous voyons d’autre part des randonneurs une vingtaine de mètres plus haut, ce qui confirme notre erreur. Nous rattrapons le GR20 par une remontée à flanc, pour constater quelques minutes plus tard que les deux itinéraires se rejoignent un peu plus loin ! En regardant en arrière, voici à nouveau Punta alle Porte, flanquée de son aiguille sombre avec l’itinéraire de montée bien visible ; son dièdre semble plus impressionnant qu’il ne l’est en réalité. Nous longeons maintenant la crête, et essayons de deviner l’emplacement de Bocca a Soglia que j’imaginais plus proche. Peu avant le col, nous constatons que le GR20 remonte d’une vingtaine de mètres, et apercevons en contrebas sur notre gauche le sentier qui redescend vers le lac de Melo. Le raccourci hors sentier est trop tentant pour être négligé... Nous retrouvons donc le sentier bien balisé qui louvoie en alternance entre des zones herbeuses et des dalles peu inclinées. Il contourne à distance le petit lac de Soglia en voie de comblement ; celui-ci doit être bien plus étendu et photogénique au printemps. Le sentier passe ensuite en rive gauche du ruisseau principal de la vallée ; il y a creusé un ravin assez profond que nous longeons avant de retrouver la rive Sud du lac de Melo. Nous nous offrons une dernière petite pause sur la belle pelouse en bordure du lac, avant de reprendre la direction du parking de Grotelle. Cette fois-ci, nous empruntons l’itinéraire en rive gauche de la Restonica, avec ses deux échelles et une attente sans doute traditionnelle de quelques minutes pour passer celles-ci ! A la descente, par temps sec, les dalles inclinées sont bien agréables à parcourir alors que le sentier en rive droite est parfois un peu chaotique. La dernière demi-heure entre les anciennes bergeries et le parking de Grotelle est un peu fastidieuse, avec à nouveau beaucoup de randonneurs ou promeneurs ; nous sommes d’ailleurs surpris pas le nombre significatif de personnes qui se dirigent vers le lac de Melo à cette heure avancée : ils auront tout juste le temps de faire l’aller retour avant la nuit. Nous retrouvons la voiture vers 18h00, avec dans notre tête plein d’images de cette balade que nous avons beaucoup appréciée tous les deux ! |