Monte Cinto


                Pour nous qui avions réalisé en famille, des grandes balades dans les Alpes, notamment dans le Queyras l'année précédente, nous savions, à la lecture des guides, que Cinto n'était pas un objectif insurmontable. Le plus jeune des enfants, Thomas alors âgé de sept ans, semblait d'ailleurs bien plus apprécier les dénivelés importants que les marches sur des sentiers bien plats... Pour David (10 ans) et Sarah (12 ans), et pour les parents aussi d'ailleurs, le toit de la Corse était en lui même un objectif suffisamment motivant pour en garantir le succès. Bien entendu, nous attendons la meilleure journée possible du point de vue des prévisions météo, et c'est le 15 juillet 1998, après nous être entraînés lors de quelques balades plus courtes, que nous nous lançons dans l'aventure.


                Deux options bien différentes étaient possibles : la voie normale en se garant à Haut Asco (qui passe non loin de la pointe des Eboulis, ou bien la montée par la face Sud, à priori de difficulté similaire, en laissant sa voiture sur les hauteurs du lac de Calacuccia et qui fait par exermple l'objet du récit d'un botaniste en 1908. C'est cette deuxième option que nous avons retenue, tout simplement parce que nous n'avions, cette année là, pas d'autres projets de balades dans la vallée du Golo, alors que des randonnées étaient déjà planifiées à partir de Haut Asco. Nous y serons d'ailleurs deux jours plus tard pour parcourir les crêtes entre A Muvrella et la Punta Stranciacone.
                Départ vers cinq heures du matin, pour arriver au hameau de Lozzi, par la minuscule D218. Dans le virage serré qui précède le centre du hameau, il faut emprunter une piste « carrossable ». En fait, cette année là, cette piste était très limite pour une voiture de type berline, et à plusieurs reprises, mes passagers ont été invités à descendre pour quelques dizaines de mètres particulièrement délicats. Inutile de dire que nous avons perdu beaucoup de temps dans cette montée entre 1000 et 1550 mètres qui, par ailleurs, aurait été peu attractive à pied. Si vous voulez monter au Cinto par cet itinéraire, renseignez-vous donc d'abord sur son état ou bien allez jeter un oeil auparavant. Nous laissons la voiture au « parking » vers 8 heures, avec près d'une heure de retard par rapport à nos prévisions. Ce n'est pas bien grave, car selon notre guide, il faut un peu plus de 4 heures pour arriver au sommet où nous devrions donc nous retrouver vers midi.


Monte Cinto, sur notre photo prise 5 ans plus tard, du sommet de Paglia Orba Monte Cinto, sur notre photo prise 2 jours plus tard, du sommet de A Muvrella
A droite, Monte Cinto, sur notre photo prise 2 jours plus tard, du sommet de A Muvrella
A gauche, Monte Cinto, sur notre photo prise 6 ans plus tard, du sommet de Paglia Orba (cliquez sur les photos)


                Deux itinéraires sont possibles entre le parking et le refuge de l'Erco ; nous choisissons celui qui part vers le Nord Ouest , car l'autre chemin qui passe près des bergeries de Sesta débute par un tronçon relativement plat que nous réservons pour le retour. Il faut une bonne demi-heure pour rejoindre le refuge, à 1667 mètres d'altitude, juste au pied du Cinto. Le gardien, d'origine italienne, nous invite à un brin de discussion (tous ses clients étaient déjà partis). Il nous commente le parcours qui est visible dans sa presque totalité à partir de là, et nous prête ses jumelles pour localiser ceux qui étaient partis ce matin. Nul doute que nous serons surveillés, avec nos trois enfants, pendant notre ascension... Je demande au gardien si un retour par la pointe des Eboulis, le lac du Cinto et la vallée de l'Erco ne pose pas de difficulté particulière (cela semblait réalisable d'après mon guide) ; il nous confirme que le sentier entre le lac du Cinto et le refuge est bien balisé, et que la descente entre la pointe des Eboulis et le lac du Cinto doit certes se faire à vue, sur pierriers, mais ne présente pas de difficulté. Nous voici donc armés pour un petit supplément, si jamais nous arrivons en forme au sommet.
                Après le refuge, Il faut commencer par rejoindre un rocher isolé, sombre et pointu, « Pietra Fisculina » ; le sentier est très bien balisé, jalonné de cairn, et ce sera le cas durant toute l'ascension : vraiment aucune difficulté d'orientation. Lors d'une première petite pause, nous sommes dépassés par un groupe d'une dizaine de randonneurs Suisses ; ils vont bien plus vite que nous, et nous ne les reverrons d'ailleurs plus. Aux deux tiers du trajet, au cours d'une seconde pause, nous sommes rejoints par deux Italiens : Aldo et son fils Sergio, un adolescent d'une quinzaine d'année (je ne suis plus sûr des prénoms). Nous faisons connaissance, ils sont bien sympathiques, parlent relativement bien le français et nous continuerons donc la balade ensemble. David et Sergio semblent particulièrement s'apprécier, et feront d'ailleurs un peu bande à part jusqu'au retour au parking...
                Malgré l'heure de départ un peu tardive, et l'exposition Sud du trajet, il ne fait pas trop chaud, ce qui est rassurant, car Sophie, mon épouse, n'apprécie pas du tout les fortes chaleurs pendant l'effort. Comme prévu nous arrivons au sommet aux environs de midi, où nous retrouvons une vingtaine de personnes en train de déjeuner, de prendre des photos ou simplement d'admirer le paysage. Nous faisons bien entendu de même, comme il fait bon, nous y resterons d'ailleurs une bonne heure.
                Un premier spectacle tout proche : les chocards : ils planent le long des sommets, on pourrait les regarder évoluer pendant des heures, ensuite peu farouches ils viennent quémander des restes de nourriture, de la mie de pain par exemple. Les enfants sont ravis, même si cela les conduit à sacrifier une bonne part de leurs sandwichs... Mais nous sommes aussi à 2706 mètres, et il y a le spectacle que je vous laisse imaginer lorsque vous dominez toute la Corse... et ce jour-là, malgré quelques nuages, la visibilité était excellente ! Vous aurez une petite idée de cette visibilité sur la première des trop rares photos que nous avons prises en arrivant au sommet.




                Vers treize heures, nous nous apprêtons à redémarrer. Nous sommes bien reposés et Aldo et Sergio sont partants pour tenter avec nous la boucle passant par le lac de Cinto. De toute manière, la première étape est facile, puisqu'il s'agit de prendre, pendant une petite demi-heure dans le sens de la descente, la voie normale de l'ascension du Cinto par Haut Asco ; si après ce bout de chemin, la suite ne nous inspirait pas, nous pourrions toujours faire demi-tour. Cap à l'Ouest donc, et après une descente vers 2550 mètres, nous remontons le petit couloir rocheux d'une cinquantaine de mètres qui nous sépare du col situé un peu avant la pointe des Eboulis, marquant la fin de notre parcours balisé.
                Admirez donc sur la photo ci-dessous le paysage visible vers le sud-ouest à partir de ce col : Le lac du Cinto est magnifique, au milieu de son cirque glaciaire. On aurait du mal à résister à son attrait, d'autant plus que même sur la photo, on peut deviner que la descente au lac ne sera pas trop difficile. Juste au-dessus du lac, Capu Falu, accessible en longeant la crête à partir de la pointe de la Crucetta à sa droite (un de nos futurs objectifs de balade), et encore au-dessus, réellement majestueuse, Paglia Orba, la Reine des montagnes corses. Six ans plus tard, nous nous retrouverons tous les cinq sur ce sommet, plus difficile à atteindre que Monte Cinto, lors de notre plus belle balade. C'est ce jour-là que nous prendrons la photo présentant Monte Cinto vers le haut de cette page.

                Tout au long de la journée, nous avions croisé beaucoup de randonneurs, mais à partir de maintenant, plus personne. La descente vers le lac ne présente effectivement aucune difficulté technique, mais elle est longue et assez pénible, car presque à chaque pas, quelques pierres se dérobent sous nos pieds. Nous savons par expérience qu'il n'est pas très agréable de descendre un pierrier ; celui-ci fait plus de 300 mètres de haut, et je crois bien que c'est notre record de dénivelé pour un pierrier sans la moindre trace de sentier. Nous arrivons au lac bien fatigués par cette descente ; les enfants, eux sont ravis car ils ont profité de l'instabilité des pierres pour faire quelques séances de glissades sur chaussures...et parfois sur fesses !
                Une nouvelle pause bien méritée au lac, vers 2300 mètres d'altitude. Celui-ci est un peu froid pour un bain, quel dommage ! L'année précédente, dans les Alpes, nous avions trouvé un lac à cette altitude avec une température agréable. Vers quinze heures nous reprenons le cap du refuge de l'Erco. Le paysage est très varié : tantôt nous longeons le ruisseau de l'Erco, tantôt nous contournons une cascade, tantôt le sentier trouve sa voie dans des barres rocheuses assez élevées ; parfois de petits névés à l'ombre de quelques falaises. Le dernier tronçon, le long de l'Erco, emprunte de beaux pâturages qui nous permettent de souffler, mais nous mettrons tout de même deux bonnes heures entre le lac et le refuge, sur un sentier relativement facile et bien marqué.
                Un petit conseil : Le lac du Cinto est un objectif facilement accessible en famille (à condition que la piste soit carrossable) : L'engagement physique me paraît comparable à une balade au lac de Capitello dans la vallée de la Restonica ; le parcours est tout aussi chouette, mais vous ne rencontrerez pas grand monde (et vous pourrez compter le nombre de voitures au parking -gratuit- sur les doigts de vos mains...)
                Après le refuge, comme prévu, nous varions les plaisirs en empruntant l'autre itinéraire passant près de la bergerie de Sesta, et c'est peu avant dix-huit heures que nous retrouvons notre voiture, un peu fatigué tout de même. Nos adieux à nos amis Italiens, un denier coup d'œil vers Monte Cinto, avant notre deuxième séance de galère sur la piste dite « carrossable » La partie la plus chouette de la balade ? Le retour entre la pointe des Eboulis et le refuge de l'Erco : Si vous allez à Monte Cinto par la face Sud, pensez donc à passer par là.



                Sept ans plus tard, le 9 août 2005 en fin de journée, nous avons eu l'occasion de retrouver le sommet de Monte Cinto, mais cette fois-ci depuis un avion de tourisme. Voici quelques photos que nous avons ramenées ce jour-là... Les deux premières ont été prises depuis les environs de Paglia Orba située à 7 km au sud-ouest, les cinq suivantes non loin du sommet et les deux dernières depuis les environs de Capu Biancu situé à quatre kilomètres au nord-est de Monte Cinto.








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