réalisé d'après la carte IGN 4252OT TOP25
Le glacier de Busso

               Un grand névé en Corse au mois d'août à 1400 mètres d'altitude, c'est plutôt étonnant, n'est ce pas ? Pourtant il existe bien à une trentaine de kilomètres d'Ajaccio, tout près de Bocognano. On l'appelle le « glacier » de Busso (ou le « glacier  » a Tanedda). La dénomination de glacier est bien sûr exagérée, mais ce névé a été exploité du 17° au du 19° siècle pour descendre la glace vers Ajaccio durant l'été, à une époque où le réfrigérateur n'existait pas encore...
               C'est dans le guide Franck que nous avons découvert cet objectif de balade fort original, en étant guère inquiet sur la difficulté du parcours malgré sa cotation trois étoiles. Un excellent objectif de remise en jambe pour un début de vacances...


(I) Première tentative
Le 4 août 2003

               Première balade durant les vacances 2003... Nous nous levons à une heure presque normale pour atteindre vers 9 heures du matin le point de départ. Celui-ci est situé près du hameau de Busso qu'on rejoint par une route étroite plongeant vers la Gravone à la sortie Est de Bocognano (sur la RN193). Trouver un emplacement pour se garer n'est pas facile à cette heure-ci car plusieurs groupes venus faire du canyoning dans les gorges de la Richiusa ont déjà utilisé les quelques places aménagées sur les accotements...
               Nous traversons la rivière sur un radier pour longer ensuite la Gravone vers l'amont sur quelques centaines de mètres. La première étape consiste à rejoindre les bergeries de Matone, en balcon au-dessus des gorges de la Richiusa en rive droite ou en rive gauche. Ces deux parcours sont balisés, et une boucle passant par les bergeries et les deux versants est d'ailleurs proposée sur des panneaux. Elle pourrait d'ailleurs figurer dans le chapitre chouettes randonnées avec un petit complément final pour découvrir de plus près les gorges de la Richiusa, elles aussi balisées.
               En ce début d'août 2003, il n'était pas question d'emprunter le versant en rive droite, car ce secteur a fait partie des zones dévastées par un énorme incendie quelques jours auparavant. Après avoir franchi une belle passerelle sur la Richiusa et une montée initiale assez raide qui permet de dominer Bocognano et la vallée de la Gravone, le sentier devient relativement horizontal, et permet de rejoindre les bergeries de Matone sans difficultés après environ 1h30 de marche.
               Une source captée vient à point pour compléter les réserves d'eau : j'ai l'impression que nous en aurons fort besoin, car il fait déjà très chaud (nous sommes à peine à 800 mètres d'altitude, et il reste quelques 600 mètres à grimper en attendant le glacier...). J'essaie de trouver la suite du sentier qui n'est plus balisé, mais les quelques traces finissent par se perdre assez vite dans le maquis... Il va falloir suivre le lit de la rivière qui est à sec en amont des bergeries.
               Le lit de la rivière -qui a changé de nom et qui s'appelle ici la Cardiccia- est assez large, mais de gros blocs rendent la progression bien pénible. Le soleil tape très fort, et il n'y a même pas moyen de se rafraîchir puisque la rivière est à sec... Nous avançons à un petit rythme, jusqu'à un embranchement où la suite n'a rien d'évident : il faut en effet prendre un vallon bifurquant légèrement sur la droite, mais est-ce celui-ci ou le suivant ? Comme indiqué sur le schéma, nous nous tromperons et continuerons jusqu'à 12h30 à progresser sous la chaleur...
               Il faut se rendre à l'évidence : nous ne sommes qu'à 1000 mètres environ, la chaleur devient insupportable, et l'endroit ou nous quitterons le lit de la rivière est encore loin... Je conviens assez facilement que l'option du demi-tour est la plus raisonnable, d'autant plus que je commence à être persuadé que nous nous sommes bel et bien trompés !


Le fond de la vallée particulièment sauvage depuis le secteur de la bergerie de Matone Bocognano et la vallée de la Gravone depuis le secteur de la bergerie de Matone Le village de Bocognano  apparaît au-dessus des gorges de la Richiusa Sarah et Thomas, près des bergeries de Matone Voici une radio montrant la fracture du doigt de pied... un mois après la balade...


               Peu après le demi-tour, l'énervement aidant, je réussis à me faire très mal, l'avant de la chaussure (une vraie chaussure de montagne) se tordant entre deux rochers... J'ai même entendu un craquement... j'apprendrais un mois plus tard que je me suis cassé un os d'un orteil dans l'affaire ! Après avoir repris mes esprits, je constate que j'arrive -très difficilement- à me déplacer avec en guise de béquille un bout de bois que David à réussi à dénicher... Ouf, j'arriverai à me passer d'un secours extérieur.
               Le retour vers le point de départ sera évidemment fort pénible pour moi, avec en prime une chaleur insupportable... (presque cinq heures pour redescendre) ! Je finis par y arriver... et après avoir réussi à enlever la chaussure, le pied très gonflé a une allure fort inquiétante... Je refuserai pourtant obstinément d'aller voir un médecin de peur de retrouver mon pied dans un plâtre pour le restant des vacances ! Pendant les deux semaines suivantes, nous écumerons donc les plages (on se déplace plus facilement dans l'eau avec un orteil cassé), et finirons le mois par quelques petites balades... et enfin -malgré quelques douleurs résiduelles- par l'ascension de Paglia Orba, le principal objectif de l'année !



(II) Seconde tentative
Le 15 août 2005


               Inutile de préciser que nous prenons la balade bien plus au sérieux que la fois précédente : Lever aux aurores pour se retrouver vers 7h30 au point de départ. Nous serons les seconds à nous garer vers le bout de la route, tout près de la Gravone à 550 mètres d'altitude.
               Comme nous connaissons l'itinéraire en rive gauche de la Richiusa (voir le chapitre précédent), nous choisissons de débuter le parcours en rive droite. Il est d'ailleurs plus chouette, car si dans un premier temps, il domine comme l'autre la vallée de la Gravone, il permet mieux d'observer les sommets au fond de la vallée sauvage que nous allons emprunter.
               Seulement voilà, il monte bien plus haut que prévu (sans doute à plus de 1000 mètres) avant de redescendre à la bergerie vers 800 mètres. Pour éviter de redescendre, nous envisageons un instant de rejoindre hors sentier la rivière bien en amont des bergeries, mais cette option est loin d'être certaine et Sophie refuse de s'engager dans ce qui pourrait vite devenir une galère supplémentaire... (il y aura déjà le lit de la rivière !) De plus, nous arrivons à deviner un sentier partant à flanc de montagne au-dessus de la bergerie, sentier que nous avions cherché il y a deux ans sans le trouver. Descente donc vers la bergerie avec une bonne heure de plus par rapport au trajet en rive gauche...


07h45 du matin : la vallée de la Gravone menant à Ajaccio Les villages de Busso et de Bocognano ; on aperçoit deux petits viaducs empruntés par la voie ferrée Vue sur les gorges de la Richiusa depuis la rive droite Punta Dell Oriente à gauche, puis les Pinzi Corbini et enfin la crête menant à Monte Renoso Depuis la rive droite de la Richiusa, voici les bergeries de Matone où nous devons redescendre...

Au centre le vallon de la Cardiccia puis celui du Boggio que nous emprunterons tout à l'heure Vue sur le sentier en rive gauche de la Richiusa, le chemin direct vers les bergeries de Matone... 09h45 : les derniers nuages sont en train de se dissoudre vers le fond de la vallée 10h30 : vue sur les sommets au fond la vallée, dont Migliarello (2254m)


               Longue halte à la bergerie où deux chèvres n'apprécient pas vraiment notre incursion en essayant même d'être quelque peu menaçantes... mais elles finissent par renoncer en s'éloignant de quelques dizaines de mètres, ce qui nous permet de refaire le plein de nos gourdes à la petite source captée qui se trouve ici. Cette fois-ci encore, nos prévisions auront été fort optimistes... Nous quitterons les bergeries à peu près à la même heure que la fois dernière !
               Heureusement, j'ai profité de l'arrêt pour aller explorer le sentier aperçu tout à l'heure... Il était effectivement impraticable car envahi par la végétation lors de notre première tentative. Quelques traces de coupes récentes sur les arbustes montrent que le sentier vient d'être démaquisé. Ouf, nous n'aurons pas le lit de la Cardiccia à remonter... pour l'instant en tout cas...
               Nous empruntons donc le sentier... qui nous ramène une première fois vers le lit de la rivière... heureusement quelques mètres auparavant, une bifurcation guère évidente offre une suite au sentier... Bien plus tard nous arrivons cette fois dans le lit de la rivière après un passage fort raide visiblement sécurisé par quelques petits troncs d'arbres. Là encore, après quelques minutes, nous découvrons un sentier démarrant sur l'autre rive.
               Après une bonne montée, nous voici sur un beau replat avec des traces de constructions et quelques arbres, sans doute les anciennes bergeries de Beghiu. Il est midi passé, et Sophie propose de déjeuner à l'ombre d'un petit groupe d'arbres, visiblement les derniers dans la vallée. En dégustant notre traditionnelle pastèque, un coureur passe à nos côtés. Décidément, la montagne en courant à l'air de devenir une mode, c'est la troisième fois que nous en rencontrons cette année... Le coureur essaye de monter au sommet de Migliarello, mais il nous explique qu'il est parti un peu tard... Pour ma part, j'avais envisagé de remonter à Migliarello par la même voie (assez difficile), mais avec le supplément non prévu sur le premier tronçon, nous sommes encore moins dans les temps... Nous nous contenterons donc du glacier.
               Après le repas quelques efforts supplémentaires nous attendent, tantôt en sentier, tantôt sur des dalles. Arrivés sur un replat, nous découvrons non loin de là le glacier au fond de son étroit couloir exposé plein Nord. Sophie et Sarah considèrent que l'objectif est atteint et s'installent au bord d'une vasque dont l'eau est évidemment un peu froide... Au dessus des reliefs proches, on devine facilement Monte Renoso et Punta Alla Vetta près duquel se blottit le lac de Bracca...
               David Thomas et moi-même, décidons d'aller voir le névé de près, mais la tâche n'est pas si simple... En début de saison, c'est sans doute plus facile, et il descend peut-être là où Sophie et Sarah ont choisi de s'arrêter. Nous mettrons une demi-heure pour atteindre l'extrémité du névé en essayant de nous frayer un passage entre de gros blocs, avec beaucoup de rochers instables. Quelques pas d'escalade sont nécessaires, ce qui mettra un peu de piquant à cette fin de randonnée.
               Arrivés au névé, nous constatons qu'il est bien plus long que ce que nous imaginions...En le testant tout en restant sur un rocher, David finit par faire écrouler un morceau de plusieurs mètres carrés de neige... Une bonne illustration des risques lorsqu'on évolue sur glacier ou névé... Après quelques boules de neige faites avec la neige tendre qui s'est écroulée, nous entreprenons la descente avec beaucoup de précautions pour retrouver Sophie et Sarah...


12h45 : l'extrémité du névé est en vue ! Migliarello au centre... Au loin au centre, Monte Renoso, puis Punta Alla Vetta à droite du petit col Le Boggio alimenté par la fonte du  névé nous gratifie de plusieurs petites vasques Une autre petite vasque du Boggio prolongé par une mini cascade; Le vallon du Boggio, juste en aval du névé

Depuis les environs du névé, voici une vue d'ensemble de la vallée avec au fond Bocognano Voici donc, au fond de son ravin, le glacier de Busso tant convoité... Nous n'essaierons pas de remonter le névé qui semble se poursuivre assez loin... Les deux fils devant le morceau de névé que David a fait  écrouler...

David et Thomas sont bien fiers de poser devant le glacier... Notez les motifs hexagonaux sur la neige... Quelques murailles bien verticales autour du ravin... L'emplacement où nous avions déjeuné tout à l'heure... L'emplacement supposé des anciennes bergeries de Beghiu (il ne reste que des murets...) 17h15 Thomas Sarah et David, non loin de l'arrivée !


               Nous repartons donc en sens inverse... Peu après avoir croisé le lieu de pique-nique de ce matin, le coureur nous dépasse à nouveau : il est effectivement allé au sommet et a mis environ 3 heures pour les 1000 mètres de montée puis les 1000 mètres de descente avec des passages relativement difficiles...
               Bien entendu, nous avions bien pris nos repères à l'aller (avec quelques cairns construits par David et Thomas) et nous n'aurons aucun mal à retrouver nos sentiers jusqu'à la bergerie de Matone. Le tronçon final se fera toutefois en rive gauche, car personne n'a envie de remonter les quelques 200 mètres bien en évidence en face de la bergerie ! Nous croiserons d'ailleurs plusieurs randonneurs sur ce sentier bien balisé et fort agréable qui permet de profiter d'un beau panorama sur Punta Dell'Oriente, les Pinzi Corbini et Punta Alla Vetta derrière lequel se cache le lac de Bracca .
               Nous arrivons relativement fatigués à la passerelle sur la Richiusa, et ne profiterons même pas de notre présence ici pour explorer la partie basse la plus spectaculaire de la Richiusa, sur le sentier balisé et d'ailleurs assez fréquenté devant nous.


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