Monte Padru


               Depuis de nombreuses années, Monte Padru fait partie de notre liste des sommets à découvrir, mais ayant eu plusieurs témoignages concordants sur la difficulté liée au dénivelé important d'une part et au fait que le sommet était souvent accroché assez tôt dans la journée, nous n'avions pas encore franchi le pas... Cette année, la météo prévoyait explicitement un ciel sans le moindre nuage sur la montagne corse le lendemain et le surlendemain de notre arrivée sur l'île. Si j'étais conscient que ce n'était pas la meilleure façon de se mettre en jambes, j'avais confiance en notre forme, maintenue par nos exercices physiques réguliers en cours d'année.
               En arrivant en Corse, Sophie et moi, nous nous dirigeons donc vers le camping Cabanella situé entre Ponte Leccia et Asco, dans l'optique d'un éventuel départ matinal le lendemain. Deux bonnes surprises nous y attendent : un emplacement de rêve (pour une petite tente) avec table et chaises sur une plate-forme en balcon au-dessus de la rivière, et un accueil chaleureux, se poursuivant par des considérations sur les accès de Monte Padru avec le propriétaire.
               J'avais dans un premier temps imaginé l'option d'une boucle avec un retour par le vallon de Ranza (itinéraire décrit dans le guide Fabrikant), et aller faire un peu de reconnaissance dans ce vallon en cette fin de journée... Les discussions que j'ai eues avec le propriétaire m'en ont dissuadé : il avait effectivement entendu parler de « l'itinéraire des bergers » mais avait quelques doutes sur son caractère praticable. Par ailleurs il m'a indiqué que le sentier de la voie normale n'a rien d'évident, et qu'il n'a jamais réussi à repérer le départ mentionné dans le Fabrikant... En fait ce sentier n'existe sans doute plus, et le départ se trouve aujourd'hui en aval et non en amont du ponceau traversant la route (voir par exemple l'ouvrage « Corse des sommets » d'Alain Gauthier). Heureusement que j'avais la bonne référence !
               Notre emplacement de camping est tellement chouette que nous décidons d'y établir notre camp de base pour quelques jours ; nous abandonnons donc en même temps l'option d'un bivouac aux bergeries de l'Entrada ou de Tula pour une ascension sur deux jours... En revanche, pour éviter de perdre un temps précieux lors de la grosse journée qui s'annonce le lendemain, une reconnaissance du départ et de la première portion du trajet s'impose en cette fin d'après-midi !
               Nous voilà, vers 16h30, en reconnaissance, près du ponceau qui enjambe le ruisseau à la confluence des vallons de Casanovaccia et Santonaccio (altitude 755m). Plusieurs voitures pourraient se garer ici, à l'intersection de la route avec une piste en contrebas, mais il n'y a personne ! Juste en face, nous trouvons quelques traces et cairns qui nous permettent de pénétrer dans un labyrinthe de rochers, d'arbres et de végétation rebelle... La progression est facile, mais comme les options en général cairnées sont nombreuses, on se pose beaucoup de questions... En fait, et à condition de commencer à s'éloigner un peu du ravin de Santonaccio, il semble que toutes les options permettent de rejoindre le point que j'appelle P1 (1060m), là où débute enfin un sentier bien marqué. (nos traces GPS montrent d'ailleurs 4 cheminements assez différents pour nos 4 parcours aller ou retour entre la route et P1 ; seules celles du lendemain sont reproduites sur la carte ci-dessous). J'ajouterai que, dès qu'il commence à être visible, le tafonu caractéristique présenté sur la première photo ci-dessous, peut aider à trouver P1.
               Après avoir vérifié que le sentier ne se termine pas rapidement en cul de sac, nous faisons une pause à P1 avant de redescendre sans difficulté pour retrouver la voiture à 18h45. Surprise : deux autres voitures sont garées près de la nôtre, et les deux personnes qui discutaient sans doute de l'ouverture de la chasse le lendemain nous ont chaleureusement accueilli. Il s'agissait d'un habitant d'Asco, et d'un agent de l'ONF. Tous les deux connaissaient fort bien le Padru mais aussi les sentiers ou parcours possibles autour d'Asco. Nous avons discuté longtemps avec eux sur les diverses randos, ou bivouacs à réaliser dans le secteur (comme par exemple Vetta di Muro). Ils nous ont aussi rappelé au passage que le Padru se méritait, et qu'un bivouac aux bergeries aurait été une excellente option pour mieux profiter du sommet... Je crois bien que c'est ce que nous aurions fait si notre emplacement de camping avait été banal !


Réalisé d'après carte IGN Corte Monte Cinto TOP25 IGN 4250OT Profil vertical de la randonnée
Téléchargez padru.gpx, la trace GPS de la randonnée avec ses 498 cairns virtuels (pour son utilisation, voir la page conseils)
Pour un affichage direct dans Google Earth : padru.kml
Survolez le trajet avec Google Earth via Sitytrail.com et tracegps.com...



               Après un lever matinal autour de 5 heures, nous voilà à 6h25, l'heure du lever du soleil, au ponceau, prêts à affronter Monte Padru. Nous ne suivons exactement aucun des cheminements déjà parcourus la veille, malgré les cairns virtuels sur notre GPS, et le trajet vers P1 est avalé sans aucune difficulté, avec une vingtaine de minutes de moins que la veille ; gain de temps certes appréciable, mais remettant un peu en cause l'intérêt de la reconnaissance.
               Durant l'heure qui suit, un sentier bien tracé et de parcours qu'on pourrait qualifier de reposant (après le premier tronçon hors sentier) permet dans un premier temps de franchir le vallon de Santonaccio. Ensuite, à l'approche des bergeries de l'Entrada, il se fraie un passage dans une espèce de forêt miniature tout à fait originale, avant de franchir le ruisseau de Casanovaccia, qui permet le ravitaillement en eau des bergeries.
               Les bergeries situées sur un large promontoire herbeux peuvent effectivement constituer un excellent lieu de bivouac, et il faut avouer que le panorama sur la vallée d'Asco et les reliefs situés au Sud de la vallée est exceptionnel, avec notamment les faces Nord de Monte Cinto), Capu Bianco et de Cima a i Mori)... Nous repérons le secteur des cabanes de Vetta di Muro), mais perdues dans les chaos rocheux, il faudrait de bonnes jumelles pour les identifier...
               Après une petite pause, nous mettons le cap sur les bergeries de Tula. Si un gros cairn indique la direction à prendre -la croupe qui domine les bergeries au Nord-ouest-, on retrouve un terrain assez chaotique, avec quelques vagues sentes et plusieurs lignes de cairns menant à proximité du point côté 1656m sur la carte IGN. A partir de là démarre à nouveau un sentier qui nous permet rapidement de rejoindre les quelques vestiges des bergeries de Tula.
               Notre moral est au beau fixe, nous sommes dans les temps prévus par les topos, et les rochers sommitaux de Monte Padru apparaissent au-dessus du large pierrier d'apparence facile et parsemé de végétation basse. Notre vision de ce pierrier est un peu optimiste, puisque je sais par ailleurs que plus de 600 mètres de dénivelé nous séparent du pied des rochers ! Nous nous accordons près d'une demi-heure de pause, et estimons qu'il nous faudra quelques deux heures pour arriver au sommet (aux environs de midi).


Tafonu (rocher troué) aux environs du point P1 (en fin de journée) Le vallon de Santonaccio depuis les environs de P1 (en fin de journée) La crête depuis la Dent d'Asco en direction de Capu Biancu depuis les environs de P1 (en fin de journée) Zoom sur la Dent d'Asco (à gauche) et Cima a i Mori (au centre) depuis les environs de P1 (en fin de journée)

Le vallon de Santonaccio en approchant des bergeries de l'Entrada On commence à apercevoir les bergeries de l'Entrada (Capu Biancu à gauche) Zoom sur les bergeries de l'Entrada (Punta Minuta à gauche) Bâtiments des bergeries de l'Entrada en regardant vers le Nord-Ouest Bâtiments des bergeries de l'Entrada devant les versants Sud de Monte Padru et Capu Sellula

Depuis les bergeries de l'Entrada, la vallée de Stranciacone menant à Haut-Asco Les bergeries de l'Entrada (en fin de journée) Depuis les bergeries de Tula, la crête entre Capu Biancu et Capu Larghia (via Monte Cinto vers la droite) Depuis les bergeries de Tula, zoom sur la crête entre Monte Cinto et Punta Minuta

Depuis les bergeries de Tula, Monte Cinto et sa ligne de crête avec à droite les flancs de Cima di a Statoghia En fond de vallée au centre, Punta Missoghiu ; plus à gauche les pierriers sous le Pic Von Cube menant au col Perdu Depuis les bergeries de Tula, Cima di a Statoghia Bocca di Tula depuis les bergeries éponymes Depuis les bergeries de Tula, panorama sur Monte Padru et Capu Sellula

Depuis P2, zoom sur les bergeries de Tula (350m plus bas) et la vallée de Stranciacone (1150m plus bas) Depuis P2, la ligne de crête autour de Monte Cinto Depuis P2, le flanc Est de Cima di a Statoghia En P2, le sommet arrondi de Monte Corona commence à émerger au-dessus de Bocca di Tula


               Après avoir passé les derniers arbres au-dessus des bergeries de Tula, nous voici réellement engagés sur le pierrier. Même si chaque pas nécessite de l'attention, le pierrier formé d'éléments de taille très variable n'est pas trop difficile dans la mesure où il est rare de rencontrer un appui instable qui fait reculer le pied. Au bout d'une demi-heure, j'ai un coup de barre, et n'arrive plus à suivre Sophie qui est obligée de s'arrêter à plusieurs reprises pour m'attendre... Le coup de barre n'est que passager, mais un peu plus tard, c'est Sophie qui se met à peiner à son tour. Comme cela a l'air de durer, nous abandonnons son sac à dos au milieu du pierrier (aux alentours de P2), en prenant soin de le marquer d'un point d'intérêt sur le GPS : compte tenu de la largeur du pierrier et de l'absence de sentier, cette précaution ne me semble pas inutile. Au passage, voici Monte Corona qui émerge au dessus de Bocca di Tula. A allure très réduite, la suite du trajet sur le pierrier devient de plus en plus lassante ; sur le GPS, l'altitude évolue à une vitesse désespérément lente, et Sophie fait preuve d'une grande volonté pour ne pas abandonner... Nous mettrons une bonne heure de plus que prévu pour finir par vaincre ce pierrier !
               Autant la montée sur le pierrier nous a paru interminable et éreintante, autant notre itinéraire pour escalader les derniers 60 mètres a été agréable et ludique, et nous a fait quelque peu oublier notre fatigue. L'option que nous avons choisie, à la montée, comme à la descente, n'est sans doute pas la seule ; ce n'est peut-être pas la plus facile, mais elle est peu exposée. Après avoir rejoint le couloir-cheminée le plus évident depuis le pierrier, nous constatons que l'escalade de son premier bloc rocheux nécessite l'usage des mains ; nous débouchons rapidement sur une plate-forme prolongée par une vire permettant une première traversée horizontale. Celle-ci nous amène au pied d'un second couloir qui mène sans doute à l'extrémité ouest du sommet Alors que la pente devient franchement raide, un échappatoire (via un pas d'escalade à nouveau très facile) permet, après une seconde vire horizontale de quelques dizaines de mètres, de rejoindre le milieu d'un troisième couloir qui débouche près de l'extrémité Est de Monte Padru.
               Le spectacle au sommet de Monte Padru est conforme à nos attentes ; il y a certes un peu de brume en direction du Cap Corse, mais en été, il est rare d'avoir de meilleures conditions de visibilité (sauf dans quelques situations avec vent fort). Vers le Nord, si l'Île Rousse attire en premier le regard, Capu d'Occi et la plage de l'Ostriconi retiennent notre attention ; vers l'Est, voici Monte San Petrone qui est au programme dans les jours à venir, puis plus à droite, le Turone, Cima a i Mori, Vetta di Muro et la ligne de crête menant au Capu Biancu. Au second plan, Monte Cardo et Monte Rotondo. Puis en continuant vers l'ouest voici notamment Monte Cinto, la Pointe des Eboulis, Punta Minuta, Paglia Orba, Capu Tafonatu, Capu Scaffone et même Capu d'Orto qui domine Porto ; dans le secteur ouest se font remarquer a Muvrella, Capu a u Ceppu (programmé dans quelques jours), Monte Corona, et Monte Grosso qui cache Calvi.
               Capu Sellola et la ligne de crête qui s'étire ensuite vers l'Est-Nord-Est retiennent mon attention, car une des options pour cette journée était de monter au Padru via ce trajet ; je n'en saurai pas plus sur la difficulté d'éviter les aulnes le long de la ligne de crête...


Au loin, les reliefs du Cap Corse depuis le belvédère Monte Padru Les reliefs en direction de Bastia ; cette croix (environ 2m de haut) a été posée le 1 juin 2011 Vers la gauche, Ponte Leccia est caché par des collines, alors que le San Petrone domine le second plan Capu Sellula au premier plan avec de l'autre côté de la vallée : Punta Cavallare, Pinzi a i Giuelli, le Turone, la Dent d'Asco, Cima a i Mori et Monte Pianello Au centre, Bocca di Serra Piana et au loin, la ligne de crête entre Monte Cardo et Monte Rotondo

Au centre, Capu Biancu et Capu a u Verdatu ; Monte Rotondo au loin La ligne de crête entre Capu a u Verdatu et Punta Minuta avec Monte Cinto au centre Paglia Orba au loin à gauche, a Muvrella au centre et Cima di a Statoghia au premier plan à droite Cima di a Statoghia à gauche, Capu Ladroncellu au centre et Monte Corona à droite

Capu a u Dente (au centre) ferme la vallée de la Tartagine Calvi est caché par Monte Grosso (au centre) Capu d'Occi (qui domine Lumio et le village abandonné d'Occi) apparaît au-dessus de la ligne de crête (au centre) San Parteo (au centre) domine la côte autour de l'Île Rousse La côte depuis les environs de l'Île Rousse jusqu'au désert des Agriates

La haute vallée de la Tartagine Zoom sur l'Île Rousse, dominé par San Parteo, le sommet vers la gauche Zoom sur les plages de Lozari (à gauche) et de l'Ostriconi (vers la droite), la porte du désert des Agriates (à droite) Panorama en direction de Ponte Leccia ; au centre, la vallée du Golo se faufile vers la côte Est

Le Turone, la Dent d'Asco et Cima a i Mori, les sommets au Sud-Est d'Asco Zoom sur le masssif de Monte Rotondo Le vallon de Manica conduisant au pied de Monte Cinto (au centre) ; Capu Larghia à droite Haut Asco en fond de vallée encadré par Punta Minuta et Punta Missoghiu ; Paglia Orba au second plan La ligne de crête depuis le col de l'Ondella (en bas à gauche) jusqu'à Monte Corona (vers la droite)


               Après une petite demi-heure au sommet, il est 14 heures passé ; il devient urgent de redescendre : nous avons mis plus de 7 heures pour monter, et le soleil se couche autour de 20h30 ; le trajet retour devrait certes être plus rapide, mais la fatigue aidant, la descente de ce pierrier très irrégulier demandera beaucoup d'attention et ne sera pas très rapide...
               Le parcours, maintenant connu pour rejoindre la base des rochers sommitaux est également fort agréable à la descente, et nous voici, un quart d'heure plus tard à nouveau sur ce maudit pierrier... Après quelque temps, Sophie commence à essayer de repérer l'emplacement de son sac à dos, mais il n'est pas encore visible et le GPS permet de prendre le bon cap pour le retrouver ; bien évidemment, il nous amène droit sur lui. La descente se passe finalement mieux que prévu puisque nous l'avalerons en 1h40, pas très rapide, mais raisonnable (alors qu'il nous a fallu 3h15 pour le monter).
               Je suis maintenant rassuré, il n'est que 16 heures, et nous avons tout notre temps pour perdre avant la nuit les quelques 1000 mètres qui nous séparent de notre voiture. La descente de la croupe au-dessus des bergeries de Tula demande à nouveau quelque attention, et quelques lignes de cairns nous font emprunter un trajet un peu différent du trajet aller.
               Voici à nouveau les bergeries de l'Entrada ; nous poursuivons vers le ruisseau, je ne vois aucun cairn, et assez rapidement je consulte mon GPS pour identifier le point de passage à l'aller... En fait celui-ci est à plusieurs dizaines de mètres en amont de l'endroit où mon instinct me dirigeait. Je ne suis pas le seul à avoir eu cette difficulté et un ami s'est d'ailleurs retrouvé dans une galère pas possible (avec nuit improvisée) pour avoir négligé de chercher le sentier qui démarre seulement après le ruisseau.
               Le GPS aidant, nous n'avons pas perdu de temps, mais attention si vous n'en avez pas, il s'agit du point clé pour le retour ! Un peu plus loin, aux environs du ruisseau de Santonaccio, un second petit piège nous attendait : en fait le ruisseau est à sec en cette saison, et une ligne de cairn a été construite pour atteindre une petite source à proximité de son lit. Plutôt que de faire demi-tour, nous avons tant bien que mal rejoint le sentier en perdant une quarantaine de mètres dans, et aux alentours du lit du ruisseau, encombrés de végétation et de gros blocs. Une nouvelle fois le GPS a été fort utile pour nous indiquer si le sentier était en amont ou en aval de notre position ! Enfin, arrivés en P1, une belle ligne de cairns nous a conduit à expérimenter involontairement un petit raccourci ; c'est probablement l'itinéraire le plus rapide, avec peu de passages demandant de l'attention...
               Sophie et moi retrouvons notre voiture à 19h10, 12 heures et 45 minutes après l'avoir quittée, et avec peu de pauses... Nous sommes tous les deux bien fatigués, et décrétons sur le champ une journée de repos pour le lendemain, après cette mise en jambes, malgré tout un peu trop rude !


Monte Padru est un belvédère extraordinaire sur le Nord de la Corse, mais il ne faut pas négliger la difficulté liée à un parcours majoritairement
hors sentier sur un important dénivelé. Un bivouac aux bergeries de l'Entrada ou de Tula permet de mieux profiter de ce sommet.




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